(Ice Candy Man/Cracking India, 1988)
Traduction : Nadine Gassie. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Lahore, 1943. Lenny, une petite fille parsie, vit une enfance marquée par une poliomyélite qui la laisse légèrement handicapée à niveau des jambes et lui empêche d’aller à l’école pendant un certain temps. Lenny sera confiée à sa nounou, son ayah. Ayah est une très belle jeune femme qui attire une multitude d’admirateurs de tous genres, âges et religions, parmi lesquelles on trouve Masseur, le beau séducteur, ou Mister Candy, le vendeur à glace, éperdument amoureux de la jeune femme.
Cet univers de sensualité si divers qui fascine la jeune Lenny va éclater en miettes lors de la partition en 1947. Suite à l’indépendance de l’Inde, le territoire sera divisé en deux pays différents selon leur religion majoritaire. Le Pakistan devrait abriter les musulmans, mais à Lahore on trouve aussi beaucoup de Sikhs et Hindus, comme Ayah, qui jusqu’à alors avaient vécu en harmonie. L’univers d’Insouciance de Lenny s’assombrit.
Bildungsroman en pleine partition :
‘Mister Candy’ est un roman d’apprentissage axé principalement sur deux sujets qui vont se complémenter, l’un dramatique, l’autre comique. D’un côté le conflit créé par la partition de l’Inde et l’effroyable climat de violence qui en a suivi, dramatise le récit en le faisant pencher du côté sombre. Puis d’un côté plus léger, Lenny fait la découverte de la séduction et la sexualité des adultes, lorsqu’elle est témoin des aventures amoureuses de sa nounou Ayah avec sa cohorte loufoque d’admirateurs. Et justement ces deux sujets vont s’entremêler, les conflits du pays provocant des changements majeurs dans la sphère intime et privée. C’est une double perte de l’innocence pour Lenny, qui accède à l’univers de la sensualité au même temps que le pays chavire dans le chaos.
Le récit se fait principalement au temps présent pour évoquer ce côté enfantin et immédiat qui doit accompagner l’évolution de cette petite fille. On verra les conflits de l’histoire à travers ses yeux souvent surpris, mais aussi plus éveillés qu’on croit à première vue, car en réalité c’est Lenny adulte qui remémore sa vie. Autre cela, le récit est assez décousu et manque d’une ligne d’action claire qui puisse donner un rythme et un propos à la narration. Malgré la beauté lexicale de son style, des nombreuses longueurs vont entraver la lisibilité du livre. C’est quand même intéressant.
Si vous voulez apprendre davantage sur le sujet de la partition de l’Inde, je recommande le roman ‘Train pour le Pakistan’ (1956) de Khushwant Singh, un écrivain d’origine Sikhe qui se positionnait dans une bienveillante équidistance lors qu’il fallait trouver les coupables de cette boucherie effroyable, et cela, à peine quelques années après la partition.
‘Cracking India’ est le titre original anglais de ‘Mister Candy’. Cela appuie plus sur le sujet de la partition et le concept de rupture social. Mais le livre fut d’abord édité, et parfois on peut encore trouver cette version, sous le titre anglais ‘Ice Candy man’, qui évoquait les sujets plus intimes du roman. Le livre a jusqu’à un certain point un côté autobiographique, Bapsi Sidhwa naquît dans la communauté farsi, grandit à Lahore, fut également attente de poliomyélite et, comme Lenny, avait huit ans au moment de l’indépendance de l’Inde.
Citation :
« C’est soudain. Un jour, tout le monde est soi-même et le lendemain, ils sont hindous, musulmans, sikhs, chrétiens. »
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