(Our lady of Alice Bhatti, 2011)
Traduction : Bernard Turle. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Hôpital du Sacré-Cœur, Karachi, Pakistan. Après un brief passage en prison, Alice Bhatti décroche un travail comme infirmière au Sacré-Cœur, un hôpital pour les moins fortunés, délabré, presque sans moyens, où cohabitent musulmans et chrétiens. Avec son caractère bien déterminée, Alice essayera de faire le maximum possible pour sauver des vies, mais autour d’elle l’incompréhension et les préjugés semblent s’installer. Alice est une jeune femme, pauvre, catholique, et intouchable qui travaille dans un univers fortement misogyne et classiste.
Sainte Alice :
Avec un sarcasme et mordant pas exempt de poésie, le livre nous présente une vision très critique du Pakistan moderne, dans lequel la femme n’a pas de poids ni pouvoir, et où les différences entre castes et religions déterminent les destins de tous. Cette société archaïque, qui peine à évoluer est mise à mal par Hanif, à travers ce regard assez perplexe et maladroit que tous les hommes portent sur Alice Bhatti, incapables de comprendre qu’une femme chrétienne, intouchable de surcroit, puisse vivre indépendamment et avoir ses propres opinions.
Le quotidien de beaucoup des personnages est dur et sombre, mais malgré cela le roman reste lumineux et permet de garder l’espoir des jours meilleurs, en partie grâce à son humour ironique, et à la détermination du personnage principale. Parmi les décombres de cette civilisation, le personnage d’Alice, une espèce de sainte moderne, contraste et permet d’avancer les sujets du roman : L’émancipation des femmes, le poids social de la religion et la valeur de la vie humaine.
Le récit se structure autour de la vie d’Alice à l’hôpital, mais des analepses vers d’autres moments du passé nous permettent d’élargir le contexte sur lequel évoluent nos personnages. Le livre présente un style assez sobre et subtil, avec une utilisation des ellipses et de la narration indirecte qui cependant peut dérouter certains lecteurs. En effet, il n’y a pas beaucoup d’action, mais quand il y a elle est souvent décrite d’une façon pudique et suggérée, parfois sans donner suffisamment des précisions concrètes sur les faits.
Malgré cela et quelques longueurs, le livre est très solide et intéressant. Il nous propose une fenêtre privilégiée depuis laquelle on observe la société pakistanaise du 21ème siècle. On regarde un monde chaotique, injuste et impitoyable, dans lequel on est jugé selon nos origines ou notre religion, mais quand même rempli d’un certain espoir et courage.
Citation :
« Il y a un profond puits de tristesse dans chaque femme, tan inévitable comme un pair d’ovaires, et certains après-midis la bouche de ce puits baille grande ouverte et peut aspirer toute la couleur du monde. » (Traduction improvisée)
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