Littérature des 5 continents : AsiePhilippines

N’y touchez pas ! (Noli Me Tángere)

José Rizal

(Noli Me Tángere, 1887)
Traduction :   Henri Lucas et Ramon Sempau.   Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

C’est 1886 et la colonisation espagnole des Philippines touche à sa fin. Dans une ambiance prérévolutionnaire, Ibarra, un jeune espagnol né en Philippines, rentre d’un périple de quelques années en Europe, avec l’intention d’aider son pays à avancer vers le futur. Il retrouve sa fiancée, Clara, et commence à s’engager dans plein de projets d’avenir, notamment une école. Mais la corruption et la cruauté du pouvoir politique et clérical qui le regarde de mauvais œil, ne va pas tarder à compromettre tous ces nobles projets.

Feuilleton à valeur historique :

Au risque de froisser certains lecteurs, à mon sens ‘Noli me Tangere’ est un roman très peu littéraire, son intérêt sied plutôt du côté historique, où son importance est capitale. Ce roman sera crucial pour la construction de l’identité philippine, et posera les bases de ce qui va être les aspirations d’indépendance d’un peuple, soumis à la domination espagnole. À l’époque de son écriture, la corruption et les abus sont la monnaie courante du pouvoir en place, sous l’œil permissif du clergé, qui n’hésite pas à utiliser tous les moyens, incluant la violence et le crime pour se maintenir en place. Même si Rizal n’avait jamais soutenu publiquement une position indépendantiste, c’est évident de quel côté son ses alliances, à la simple lecture de ces pages.

Une histoire d’amour ‘vraie’, des passions déchainées, des milliers de personnages et l’ambiance prérévolutionnaire, faisaient potentiellement de ‘Noli me tangere’, une sorte de ‘Guerre et Paix’ ou ‘Vanity Fair’ à la sauce tagal. Mais Rizal n’est ni Tolstoï ni Thackeray. ‘Noli me tangere’ est tout simplement un feuilleton populaire, une sorte de ‘culebron’ : Ingénu et romantique à souhait, souvent confus et peu structuré, avec certains rebondissements et révélations qui vont friser le ridicule. Le roman est l’incontournable témoin de ce moment historique, rien de plus, rien de moins, mais la tragique histoire de José Rizal va surpasser les qualités strictement littéraires du livre.

Rizal écrira une suite : ‘El Filibusterismo’, qui va froisser davantage les autorités de la colonie espagnole, ce qui finira pour lui mener en exile. De retour aux Philippines, Rizal sera arrêté, jugé et condamné par rébellion, et exécuté en 1896, deux années avant de la guerre d’indépendance des Philippines. Depuis, sa figure a été revalorisé, ses deux romans sont lecture obligée dans toutes les écoles philippines et on le considère le héros national, un des pères de la nation.

Le livre n’est pas facilement trouvable en français. J’ai lu la version originale en espagnol sur le site Project Gutenberg, disponible ici.


Citation :

“¡No hay Dios, no hay esperanzas, no hay humanidad; no hay más que el derecho de la fuerza!” (“Il n’y a pas Dieu, il n’y pas d’espoir, il n’y a pas d’humanité ; Il n’y a que le droit de la force !” , Traduction improvisée)

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