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Résurrection

Léon Tolstoï

(Воскресение, 1899)
Traduction : Édouard Beau.   . Langue d’origine : Russe
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Le prince Dmitri Ivanovitch Nekhlioudov mène une vie mondaine d’insouciance, lorsqu’une convocation comme jury dans un tribunal va changer sa vie. Katioucha, son premier amour, est sur le banc des accusés. Abandonné enceinte par le prince quelques années plus tôt elle avait chuté dans la déchéance de la prostitution et son enfant lui avait été retiré. Accusée de l’homicide d’un client dans une maison close, Katioucha va clamer haut et fort son innocence, mais la sentence tombe sur elle.

Nekhioudov, pris des remords, toutes ses certitudes remises en question, va tout faire pour libérer Katioucha. Il s’ensuit un parcours complexe qui mènera ces personnages jusqu’à la Sibérie dans un convoi de prisonniers.

Petit gâchis ! :

Malgré une première partie fantastique avec des personnages touchants et une histoire remplie d’émotions profondes, le roman dérive progressivement vers la propagande morale et arrive vers la fin du récit à une diatribe presque risible et sans subtilité. Autant le talent du Tolstoï est stratosphérique, autant le mettre au service d’un pamphlet de ses propres idées, c’est non. Tout cela même dans le cas où je peux tout à fait partager ses inquiétudes, mais c’est juste que dans un roman d’un certain niveau de qualité, on attend que les choses soient suggérés, pas poussées. Or ces idées sont avancées de façon piètre et réductrice. Un petit gâchis. Un des romans qui m’a le plus déçu, car le début du roman est une merveille absolue.

Les arcs narratifs sont très bien préparés et ficelés. La femme qui tombe en déchéance par la mauvaise chance mais qui va être rattrapée par son honnêteté. Le riche snob qui prend conscience de sa misère morale, et plaque tout pour des valeurs plus honnêtes est très tolstoïen en soi. Nekhlioudov, dans sa quête de rédemption, est un miroir du Pierre de ‘Guerre et Paix’. Petit à petit, le personnage perdra sa crédibilité et deviendra un simple pantin, un véhicule d’une idéologie, et, comme Tolstoï lui-même, il va prôner le rendu des terres aux paysans qui les cultivent (dont les siennes).

Dans ce dernier roman, on retrouve Tolstoï très concerné par les inégalités sociales, sujet qui a progressé le long de son œuvre, jusqu’à devenir le seul et unique thème central. Il avait été pressenti pour le Nobel de littérature, maintenant c’est le prix Nobel de la paix qui veut lui être attribué. Il ne gagnera aucun des deux. Dans ‘Résurrection’, la critique des institutions, la corruption des tribunaux et de la machine bureaucratique, l’inégalité des classes, sont sujets traités avec finesse dans les premières parties du roman. Mais lors du voyage en Sibérie les personnages disparaissent pour ouvrir la voie à des symboles idéologiques. Cela devient un roman à thèse, presque un essai, lourd et poussif. Chaque rencontre génère un discours politique, c’est lassant. Dommage pour cette dernière partie du roman, dans laquelle, en plus, le message religieux va être aussi transmis sans la moindre subtilité.


Citation :

« Nekhlioudov comprenait que le cannibalisme ne débute pas dans la taïga, mais dans les ministères, les commissions, les bureaux de l’administration, pour aboutir à la taïga. Il comprenait que tous les juges, tous les fonctionnaires – y compris son beau-frère – depuis l’huissier jusqu’au ministre, n’avaient aucun souci de la justice ou du bonheur du peuple dont ils parlaient, que tous n’avaient souci que des roubles dont on les payait pour cette besogne d’où sortaient la dépravation et la souffrance : c’était l’évidence même. »

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