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Sonietchka

Lioudmila Oulitskaïa

(Сонечка, 1992)
Traduction : Henri Mongault.   . Langue d’origine : Russe
⭐⭐⭐

Ce que raconte cette novella :

Union soviétique, années 30 du Siècle XXe. Solitaire, effacé et peu gracieuse, Sonia n’est pas le centre d’intérêt des hommes, mais elle le vit très bien car cela lui permet de se consacrer à la lecture, sa vraie passion. Un jour dans la bibliothèque où el travaille, elle fera la connaissance de Robert, un artiste peintre beaucoup plus âgé qu’elle, qui rapidement lui proposera le mariage, qu’elle aussitôt accepte. Pendant des années le couple vit dans un doux équilibre, jusqu’à l’arrive de Jasia, une amie de leur fille, qui risque de faire éclater l’équilibre conjugale.

Histoire d’une résignation :

Tant que vous tenez un minimum à pas être spoilés, évitez le quatrième de couverture de ‘Sonietchka’ dans l’édition folio car, pour on ne sait pas quelles raisons, il dévoile toute l’intrigue de l’histoire du début à la fin. Ce n’est pas que l’intrigue soit si importante et originale, mais quand même, cela semble peu respectueux vis-à-vis de l’autrice et du lecteur. 

Ce simple et beau premier récit d’Oulitskaïa peut laisser perplexe certains lecteurs, connaisseurs de l’œuvre postérieure de l’écrivaine russe, notamment son chef d’œuvre ‘La chapiteau vert’ ou d’œuvres clairement féministes comme ‘L’échelle de Jacob’. Car ici, dans ‘Sonietchka’, le personnage principal, une femme calme et paisible dans la limite de la soumission, risque d’exaspérer le lecteur par son manque de réaction et de personnalité. C’est l’histoire d’une résignation. Sonietchka est une victime silencieuse de l’égoïsme des hommes, qui accepte son lot sans rechigner comme si son bonheur c’était sans intérêt. Que veut nous raconter OulitskaÏa à travers le parcours de cette femme qui compose avec ce que la vie lui propose sans jamais demander plus ?

Le récit semble donc peu féministe, mais la trajectoire du personnage se tient, en lien à la logique interne de son caractère. Ce personnage effacé et banal ne trouvera son contraste dans son opposant masculin, plus égoïste mais quelque part aussi peu moteur de l’histoire, mais plutôt dans les caractères très distincts des autres deux personnages féminins : Sa fille Tania et surtout l’ami de celle-ci, l’orpheline Jasia, un personnage complexe et fascinant, qui aura quelques points en commun avec Sonietchka, comme son penchant à la soumission aux hommes, conséquence d’une enfance traumatique. Finalement la seule femme qui semble prendre en main son destin sans se subordonner à l’homme sera la fille de Sonietchka, Tania, femme plus déterminée et moderne, mais qui participera peu dans l’histoire.

Et c’est bien dommage car le récit aurait bénéficié d’une plus grande complexité des enjeux et de l’intrigue, qui aurait développé les liens entre les personnages, et aurait permis d’avancer plus clairement les sujets de l’œuvre. Sans doute on aurait souhaité une étude un peu plus approfondie de la situation de la femme dans l’union soviétique à cette époque. Avec sa douce prose et sa narration très solide, ‘Sonietcha’ reste une œuvre très belle et intéressante mais sans doute un peu trop simple, en comparaison avec d’autres œuvres de l’écrivaine russe, maintes fois pressentie pour le prix Nobel.


Citation :

« Le destin l’avait conduit dans des lieux si sinistres, dans l’antichambre de l’enfer, sa volonté animale de survivre était presque à bout, et les crépuscules de l’existence d’ici-bas ne lui semblaient plus si attirants, or, voilà qu’il se trouvait devant une femme éclairée de l’intérieur par une réelle lumière, il pressentait en elle une épouse qui abriterait entre ses mains fragiles sa vie exténuée recroquevillée contre terre, (…) »

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