(The Blindfold Horse: Memoirs of a Persian Childhood, 1988)
Traduction : Isabelle Chapman. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐
Ce que raconte ce roman autobiographique :
Ce livre autobiographique retrace l’enfance et l’adolescence de l’écrivaine, dans l’Iran (ici appelé plutôt Perse) qui précède la révolution islamique de 1979.
Tradition et modernité :
Le roman a un sous-titre : Une enfance dans la Perse d’avant-hier. Entre nostalgie d’une époque des traditions fascinantes, et excitation pour les nouveaux temps de modernité, Guppy nous mène dans une famille du milieu aisé très proche du régime du Shah en place, privilégiée surtout pour l’ouverture d’esprit. Cela va permettre une vie épanouie et libre à notre protagoniste.
En effet, d’un côté l’attirance pour l’occident, qui s’immisce de plus en plus dans le milieu culturel et intellectuel de Téhéran (Cafés, cinéma, concerts de jazz, habilles, mœurs…), va créer une société qui regarde vers l’avenir. La Perse décrite dans ce livre, vit dans une culture musulmane tolérante, bienveillante, une sorte de paradis. D’un autre côté, on sent que le germe de la révolution islamique projette déjà une ombre inquiétante sur ce passé idyllique.
À mon avis, il y a beaucoup trop de personnages, qu’on va apercevoir brièvement pour voir disparaître aussitôt. On s’attachera à quelqu’un, mais on ne le verra plus. Trop d’histoires entremêlées où, à chaque fois, il faut présenter les nouveaux personnages, à qui on va dire au revoir dès la page suivante.
Ce récit a un intérêt majeur qui est son côté documentaire. C’est une magnifique radiographie d’un endroit et d’une époque, et on apprend beaucoup du quotidien et des mœurs de la société bourgeoise persane. C’est touchant, c’est bien écrit, on est éclairé. Chaque chapitre est dédié à une personne, une chose, ou à un concept. Cependant, on a un peu la sensation qu’il n’y a pas vraiment de la littérature. Dans ‘Out of Africa’, récit autobiographique de l’écrivaine danoise Karen Blixen (aka Isak Dinesen), on trouve une structure similaire que lui permettait de retracer sa vie dans une ferme africaine. Mais là où Blixen élève le récit jusqu’à la grande littérature par sa capacité d’introspection et analyse, le roman de Guppy se veut juste comme le récit nostalgique d’une fille privilégiée, qui pose un regard condescendent sur le ‘peuple’, et dont la conscience de classe déteint un peu trop sur le roman (Voir citation ci-dessous).
Bon roman malgré tout, même si on aurait aimé un peu plus de critique ou autodérision.
Citation :
« Aucun d’eux ne venait chez nous uniquement pour l’argent : ils disaient toujours que c’était un honneur de travailler pour mon père, et certains allaient jusqu’à refuser des travaux mieux payés pour pouvoir le faire. Plus tard, après mon départ de Perse, le boom du pétrole et l’industrialisation devaient donner naissance à une nombreuse et riche classe moyenne, pour qui la pénurie d’employés de maison se révéla un casse-tête permanent – et un sujet de conversation des plus ennuyeux – qu’on finit par résoudre en important du personnel des Philippines, d’Afghanistan et du Pakistan, salarié à prix d’or. Ma mère eut de plus en plus de difficulté à trouver de la domesticité, car elle était obligée d’embaucher cette ‘nouvelle race’ d’employés, ‘des gens qui travaillent pour l’argent !’ »
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