(Eine Hand voller Sterney, 1987)
Traduction : Bernard Friot. Langue d’origine : Allemand
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Le fils d’un boulanger de Damas, âgé de 14 ans, tient son journal intime, dans lequel il consigne ses petits soucis et aspirations, et nous parle de sa famille et son entourage. Lasse du travail crevant à la boulangerie, le garçon rêve d’une autre vie. Petit à petit, la situation politique du pays commence à l’intéresser, et consigne de plus en plus de témoignages qui expliquent la problématique de la Syrie. Bientôt le journalisme s’impose à lui comme une vocation profonde.
Ode au journalisme :
Tout le livre est un journal d’un enfant, qui habite dans une famille de confession chrétienne, retraçant la fin de son enfance et ses années d’adolescence. En quelque sorte est un bildungsroman (roman d’apprentissage) syrien, avec les classiques du genre : Perte de l’innocence, incompréhension du monde des adultes, et acceptation de soi.
Au début du livre, c’est le quotidien d’un enfant qui est mis en valeur. Ses soucis au collège, ses amours avec la belle Naïma, son quotidien pénible à la boulangerie. Avec ses copains infatigables, dont le toujours optimiste Mahmud, le garçon fait les 400 coups et vit des aventures insouciantes, comme ce club « La main noire » qui est censé terroriser les malfaiteurs du quartier mais qui finit pour être touchant d’inefficacité. C’est naïf et bon enfant, mais il y a peu d’action et peu de développement dramatique, et cela se fait un peu long (C’est presque la moitié du livre). Mais après j’étais énormément surpris de la subtilité avec laquelle le journal commence à teindre ses pages des soucis, inquiétudes et thèmes plus adolescents, qui vont accompagner le passage de cet enfant à l’âge adulte.
Dans la deuxième partie du roman, on voit notre protagoniste face à la désillusion de l’injustice, la corruption des institutions et le constat que le pouvoir politique, de quelque bord qu’il soit, aide les riches et opprime les pauvres. Peu importe le résultat après chaque nouveau putsch, le peuple subira les conséquences. Petit à petit notre garçon prendra parti, et voudra dénoncer tout ce qu’il trouve injuste. Sa vocation de journaliste va s’affirmer. À mon avis, ce serait le sujet du livre : Ce besoin d’un journalisme de qualité, pur et impartial, qui puisse contrebalancer le gouvernement corrompu (Voir citation plus bas).
Même si l’année n’est jamais mentionnée, on peut s’imaginer quelque part dans les années 50, vue que l’instabilité politique semble permanente, et plusieurs coups d’état et changements constants du gouvernement sont mentionnés. La Syrie des années 50, tiraillé entre l’Irak et l’Égypte, peine à maintenir une sorte de démocratie qui puisse permettre le pays d’avancer.
Récit touchant de la fin de l’enfance, témoignage intéressant d’un pays et une époque, et ode passionnée au journalisme et à la liberté.
Citation :
« Oh, un journaliste, a soupiré oncle Salim, c’est quelqu’un de futé et de courageux. Avec une feuille de papier et un crayon, il peut faire trembler un gouvernement entier, y compris la police et l’armée. (…) … il fait trembler le gouvernement, car il est toujours à la recherche de la vérité, alors que tous les gouvernements s’efforcent de la cacher. Le journaliste est un homme libre, comme un cocher, et vit comme ce dernier en perpétuel danger. »
0 Comments