(Untouchable, 1935)
Traduction : Pas connue. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Bulashah, Inde du Nord, dans les années 30 du 20ème siècle. ‘Intouchable’ raconte une journée dans la vie de Bakha, un jeune éboueur de la caste la plus basse de la société indienne. Destiné par la tradition, comme son père, au nettoyage des lettrines, Bakha rêve d’une vie plus juste et un futur plus brillant pour lui et sa famille. En tant qu’intouchable, Bakha doit avertir tout le monde à chaque fois qu’il s’approche, pour éviter de les contaminer avec sa présence. Bakha fait des économies pour s’acheter un costume comme celui des officiels anglais, puisqu’il admire la classe et la dignité avec laquelle vivent les colons britanniques, loin des discriminations et injustices du système de castes de la société indienne.
Plaidoyer contre le système de castes :
‘Intouchable’, classique de la littérature indienne, a une volonté très réaliste, presque documentaire, de raconter le quotidien des intouchables, des êtres humains traités pire que des chiens, qui vivent dans la marge de la société et qui ne peuvent rentrer en contact avec le reste des castes supérieures, parce que soi-disant, les pollueraient. Dans ce sens, le parti pris de structurer le roman en une seule journée, permet une immersion totale dans le monde des miséreux, des opprimés et des laissés pour compte. La pauvreté est sans doute le terrain de prédilection de l’auteur, les âmes trop sensibles devront peut-être s’abstenir.
Le long de la journée du balayeur Bakha, il se produisent mille humiliations et injustices, qui ne font sinon dénoncer le coté arbitraire et abjecte de l’intouchabilité, un concept complètement engrainé dans la société indienne, qui malheureusement survit encore dans une partie de la société indienne, même si des progrès et des lois ont fait bouger les choses. Malgré la noirceur et la tristesse du récit, le protagoniste du chef d’œuvre d’Anand n’arrête jamais d’apporter de la lumière et de rêver à un avenir meilleur, même quand il est face à l’adversité la plus total.
Le livre est très peu manichéen. Parmi les intouchables il y des gens plus avenants que d’autres, et dans les castes supérieures Bakha pourra trouver parfois la tendresse et la compassion que ne trouve pas chez lui, et pareil dans le camp des colons, ou il y aura des positions diverses et nuancés. Anand a pris bien soin de ne pas sombrer dans le pamphlet où tout serait déjà digéré pour que le lecteur s’indigne sans réfléchir. Loin de là. Autour du sujet central de la dignité, Anand propose un récit qui effectivement révoltera le lecteur par l’incroyable injustice qui dénonce, mais au même temps il le fait avec grand talent et richesse littéraires.
Influencé à l’origine par la philosophie prônée par Gandhi, qu’il connut en 1927, Anand établit une dénonciation sans ambages du système de castes, en nous décrivant un quotidien très dur, presque déshumanisant, mais sans tirer à aucun moment des ficelles de la facilité, le pathos ou le larmoyant. Avec la distance que lui permet son origine plus favorisée, mais avec toute la connaissance du sujet résultat de ses années sur le terrain, Anand propose une merveilleuse réflexion sur les côtés les plus obscurs de l’âme, avec justesse et finesse impeccables.
Superbe, dur et implacable.
Citation :
« (…) les maîtres ne pouvaient enseigner les hors-castes, car si leurs doigts touchaient les feuilles des livres des hors-castes, ils seraient pollués. Ces vieux hindous étaient cruels. Il était un balayeur, il le savait, mais il ne pouvait pas en toute conscience accepter le fait. Il avait commencé à nettoyer les lettrines à l’âge de six ans et s’était resigné au côté héréditaire du métier, mais il rêvait de devenir un sahib » (Traduction improvisée)
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