(活着, Huózhe, 1993)
Traduction : Yang Ping. Langue d’origine : Chinois
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
China, années 80. Lors d’une rencontre fortuite avec le narrateur, un vieil homme solitaire, Fugui Xu, raconte sa vie. Le récit remonte 50 ans en arrière, pour retracer une existence marquée par des évènements dramatiques auxquels il a toujours essayé de faire face avec résignation. Le jeune Fugui Xu appartenait à une maison très riche, mais il perd tout l’argent de la famille au jeu, condamnant ses parents à la pauvreté. Malgré le malheur de la situation, cela est tombé providentiellement car la révolution communiste s’attaquera sans pitié aux riches et aux propriétaires. Résignés dans sa misère, Fugui et sa femme Jiazhen essaient de former une famille heureuse travaillant la terre d’arrache-pied, mais les malheurs n’ont pas fini d’arriver.
Drame et résignation :
Attention cher lecteur ami, ‘Vivre !’ est un des romans le plus tristes qui soit. Même les mésaventures de ‘Jude, l’obscur’ de Thomas Hardy ou ‘Les cerfs-volants de Kaboul’ de Khalid Housseini ne sont rien en comparaison au drame de Fugui. Pas un roman pour le lecteur trop sensible à la tristesse donc. Malgré tout, et c’est cela le parti pris de l’auteur, l’aura de résignation du personnage projette un élan lumineux sur la narration. Peu importe les malheurs qui rencontrera notre protagoniste, il finira par toujours faire face avec un sourire. Voir les deux citations ci-bas.
Même si beaucoup de lecteurs voudront que Fugui se désespère, rebondisse et se batte, le roman veut présenter un quotidien très réaliste du drame dans la campagne chinoise lors de cette époque marquée par les guerres, les révolutions et la misère. La richesse ne fait pas le bonheur, car l’ancien bourgeois pourri-gâté va se complaire dans une vie paisible d’humble paysan. Mais alors pourquoi le punir avec autant de malheur ? Pourquoi ces moments épars de bonheur périclitent rapidement, débouchant dans des nouvelles souffrances ?
Avec un fatalisme tel, le message moral peut donc sembler ambivalent pour le lecteur. Dans le réalisme chinois, le drame s’attaque autant aux gentilles qu’aux méchants. Il n’existe aucune protection possible contre l’adversité, aucun courage qui nous abriterai des malheurs, seulement la résignation permet de continuer à vivre. Yu Hua pris son inspiration d’une chanson traditionnel américaine, ‘Old Black Joe’, dans laquelle un esclave noir posait un regard bienveillant sur le monde, malgré l’extrême dureté d’une existence marqué par le drame et la perte de ses êtres chers.
Ce réalisme exagéré et cette terrible vision du pays pendant le Maoïsme et la révolution culturelle conduit à l’interdiction du livre en Chine, mais petit à petit s’érigea en œuvre capitale de la littérature chinoise. ‘Vivre !’ est écrit avec un style simple et complètement dépouillé, sans la moindre concession au lyrisme ou à la recherche poétique. Ce côté épuré contribue à la vocation réaliste du livre, faisant tout son charme. Totalement recommandable si vous encaissez bien les récits ultra dramatiques.
En 1994, un an après sa publication, le réalisateur Zhang Yimou réalisa une sublime adaptation cinématographique qui rafla des nombreux prix. Le film, protagonisé par Ge You et Gong Li, prenait quelques libertés scénaristiques avec le matériel d’origine, validés par Yu Hua lui-même. Malgré que certaines parties étaient atténuées, l’essence du film restait la même que celle du roman.
Citations :
« À mon avis, mieux vaut vivre simplement. À se battre pour obtenir ceci ou cela, on perd la vie. Voilà pourquoi je suis toujours en vie, moi qui ne suis bon à rien, alors que les autres ne cessent de mourir autour de moi. »
« Cependant, je compris que j’avais tort de me tourmenter, que c’était tout simplement le destin. Comme le dit un proverbe, si l’on survit à un grand désastre, la chance vous sourira ensuite. Tout devait donc aller de mieux en mieux pour moi au cours de ma vie. »
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