(Wari, 2020)
Traduction : Pas connue. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce recueil de nouvelles :
Recueil de huit courtes nouvelles qui s’attachent à représenter l’ambiance, les mœurs, les croyances, la mythologie et le folklore de l’état indien de Manipur, situé complétement à l’est du pays, collé à la frontière avec la Birmanie.
Manipur mon amour :
L’état de Manipur appartient à cette région très à l’est de l’Inde, presque séparé de l’ensemble du pays, avec lequel il est relié par une étroite bande de territoire. Dans cette enclave entre la Birmanie, la Chine et le Bangladesh, se situe cet état assez méconnu, dont on parle peu en littérature, et dont Linthoi Chanu en est originaire. L’écrivaine s’attache à nous raconter le quotidien du peuple de Manipur, avec toute son idiosyncrasie, son caractère, ses superstitions, ses déités, et parfois ses embouteillages à répétition. Beaucoup d’histoires parlent de la dure réalité quotidienne, d’autres prennent comme à base un mythe ou légende, parfois basculant carrément dans l’horreur.
Malgré un certain côté fantastique, ces récits forment une chronique sociale totalement authentique, et documentent la réalité qui vivent les gens au quotidien dans cette contrée du monde. Malgré les dures conditions de vie dans la région, et toutes les difficultés qui s’en découlent d’un contexte complexe, ces nouvelles dégagent plus de lumières que d’ombres, et même une certaine joie de vivre malgré tout. Quelques lecteurs reconnaitront ce classique pessimisme à l’indienne, qui fait que les pires malheurs du monde sont encaissés avec une résignation remarquable. C’est un livre à fort composant humaniste.
Les thèmes sont divers, comme la magie noire (‘Near Immortal’’), le culte des déités (‘The hound’, ‘The Scarlet Haophi’), les créatures mythologiques (‘Hags of the Mountain’), le désespoir de la guerre (‘When in war’) ou l’addiction au drogues (‘Forbidden passion’).
L’ensemble est assez équilibré, ‘Forbidden passion’ est bien émouvante, mais ma favorite est probablement ‘Amity in queue’. Elle met en scène de façon originale une situation qui se produit régulièrement dans les stations d’essence de la région. Une queue de voitures phénoménale s’établit pour s’approvisionner après une panne d’essence rationnée. Lors des deux jours de queue, deux femmes, chacune dans sa voiture, improvisent une surprenante amitié, et se rapprochent au fur et à mesure qui leurs voitures avancent vers la pompe d’essence. Belle fin que je ne spoilerai pas.
C’est possible que le lecteur trouve qu’il manque un peu de littérature dans ‘Wari’ (qui signifie ‘histoire’). Effectivement, les récits sont souvent trop courts et ne permettent pas trop de développement, les personnages restant souvent trop schématiques, les ficelles narratives sont un peu trop simples, et les sujets sont approchés avec un point de vue souvent naïf. Cependant l’émotion est bien travaillée, l’ensemble est touchant, et le livre se lit avec facilité. Le plus gros atout de ce recueil est sans doute l’authenticité avec laquelle il nous ouvre une fenêtre privilégiée vers la réalité quotidienne de la vie à Manipur.
Citation :
Note d’intention de Linthoi Chanu :
« Dès les débuts de la confection de ce recueil, c’était mon souhait de revisiter les mémoires des peurs innocentes et des curiosités de notre enfance, pour les repeindre avec des mots. Malgré la modernité dans laquelle on vit, nous portons tous dans notre cœur, je crois, les merveilles simples de notre héritage culturel et traditionnel qui font partie intégrante de notre identité. J’espère que ce livre s’approchera de son principal objectif, retrouver les histoires et croyances avec lesquelles on a grandi. »
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