Littérature des 5 continents : AllemagneEurope

À l’ouest, rien de nouveau

Erich Maria Remarque

(Im Westen nichts Neues, 1929)
Traduction : Alzir Hella et Olivier Bournac. Langue d’origine : Allemand
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Allemagne, 1914. Paul Bäumer s’engage à 19 ans dans l’armée allemande avec tous les étudiants de sa classe, suite à des conversations avec leur professeur, Kantorek, qui a réussi à soulever leurs instincts patriotiques, et qui s’engagera aussi avec eux. Mais dès leur arrivé au front, la réalité de la guerre, va faire déchanter nos jeunes soldats. Sous les feux des obus, dans l’enfer des tranchées, la boucherie est indescriptible. Loin de patriotismes de façade, toute une génération de jeunes sera sacrifiée dans l’autel de l’absurde de la guerre.

La première guerre mondiale depuis les tranchées :

C’est un très beau roman pacifiste, qui nous décrit avec un réalisme frappant la vie dans les tranchées lors de la première guerre mondiale, sans ménager ni ellipser les aspects les plus atroces, mais sans jamais tomber dans le pathos ni dans les excès dramatiques. C’est avec beaucoup de finesse et sobriété que Remarque, un vétéran de la première guerre mondiale, nous tisse ce récit, véritable diatribe contre l’absurde de la guerre.

L’un des thèmes principaux du livre est celui de la génération perdue. Le narrateur est un jeune allemand, Paul, qui incarne cette génération sacrifiée, ignorée par tous. Sans retrouver sa place dans la société, après l’indicible, après l’horreur, incapable de communiquer son ressenti dans les tranchées, absolument incompris de toute sa famille et entourage, les permissions civiles de Paul ne font qu’accentuer son aliénation. Des millions de jeunes, à peine sortis de l’enfance, guidés par un nationalisme aveugle, sont balancés dans le front, vers l’apocalypse, obligés à murir très vite face à l’inénarrable. C’est un voyage qui finira au cimetière, dans l’allée des blessés, ou dans la mort en vie qui attend aux revenants de la guerre, oubliés de tous.

Malgré les abominations, l’abrutissement, les corps déchiquetés et le teint noir de ce qui est raconté, le registre du livre n’est pas trop dramatique, grâce au style sobre de Remarque et au parti pris de faire la narration à la première personne. La vision détachée du narrateur, le jeune Paul, amène toujours un vent frais à la narration, et même par moments le ton sera presque amusant. Le récit est maîtrisé, mais, qualités littéraires appart, on se demande si ce livre est devenu un classique, plus par ce qui raconte que par comment c’est raconté. En effet, ce témoignage étudié dans les écoles de toute l’Europe, est très efficace comme à mise en garde des dérives du fanatisme patriotique.

Cet exposé incroyablement vrai et réel, dégage un humanisme insultant. Malheureusement les dénonciations du livre furent prophétiques car peu après sa publication, la montée des nazis chassa Remarque d’Allemagne, boudé par le coté pacifiste (donc révolutionnaire) de son œuvre. Le livre fut même l’objet des autodafés par le nazisme.

En 2022, Netflix adapta le roman au cinéma avec succès dans une fabuleuse production allemande réalisée par Edward Berger, et qui reçut multiples accolades. Le film se concentra plus dans la guerre elle-même et un peu moins dans ses séquelles et dans le sujet de la génération perdue, mais autrement il resta fidèle dans l’esprit en plus d’offrir une belle et puissante œuvre cinématographique.


Citation :

« Que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes ? Qu’attendent-ils de nous lorsque viendra l’époque où la guerre sera finie ? Pendant des années nous n’avons été occupés qu’à tuer ; ç’a été là notre première profession dans l’existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu’arrivera-t-il donc après cela ? Et que deviendront-nous ? »

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