Littérature des 5 continents : EuropeGrèce

Alexis Zorba

Nikos Kazantzakis

(Βίος και Πολιτεία του Αλέξη Ζορμπά, 1946)
Traduction : René Bouchet. Langue d’origine : Grec
⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Notre narrateur, un intellectuel un peu bourgeois, quitte Athènes à 35 ans pour s’installer en Crète et monter une exploitation de lignite. Au port du Pyrée il fait la rencontre d’Alexis Zorba, un homme d’une soixantaine d’années, passionné, vital et un peu extravagant, qui sera embauché par notre narrateur pour gérer le travail dans la mine. Les deux hommes vont se lier d’une belle amitié.

Hymne à l’amitié :

J’étais très emballé au début du roman par ce parti-pris intéressant : Deux inconnus complétement opposés se lancent ensemble dans un projet étrange. Notre narrateur, introverti et coincé, est un peu un intellectuel de bibliothèque, tout le temps plongé dans ses livres, et il compte appliquer ses idéaux socialistes avec ses travailleurs. Il fait aussi des recherches spirituelles sur le Bouddhisme, qui devraient lui aider à trouver la paix intérieure. Zorba est l’opposé, bon vivant, spontané, très extraverti, avec un caractère bien élancé et une philosophie très terre à terre. Il croque, à plus de 60 ans, la vie. Son credo c’est les femmes, les femmes et les femmes.

C’est compris, l’un c’est le cerveau et l’autre le cœur. La raison et la passion. L’histoire de cette amitié touchante qui les relie est un des atouts de ce roman. Mais la véritable âme est Alexis Zorba, un personnage unique avec une philosophie vitaliste qui nous débite des phrases pragmatiques et hilarantes presque à chaque page. Il aime les femmes mais d’un point de vue assez misogyne. Malgré ça, sa tendresse envers la vielle Madame Hortense, et son coté passionné, presque enfantin, lui donne un attrait très attachant.

Le récit tourne en rond après les premières 200 pages. L’amitié est installée, c’est beau, l’ambiance est évocatrice, mais on réalise au bout d’un moment, qu’il y a peu ou pas d’action et aucune intrigue. Cela, en soit, ne me semble pas si grave, le problème est que lorsqu’il y a une action, celle-ci ne semble pas du tout impacter le roman. Les conversations philosophiques des deux amis sur le but de l’existence et l’emprise diabolique de la femme sur l’homme, continuent souvent comme si de rien n’était. La toute première action, le collapse d’une galerie de la mine, ne génère pas plus de tension dramatique que ça. Le reste des évènements (que je ne vais pas spoiler), ne produisent pas trop de bouleversement chez nos personnages. Malgré que dans le livre est suggéré que leur amitié les a transformés, aucune évolution semble s’opérer ni chez l’un ni chez l’autre, il n’y a pas vraiment des arcs narratifs.

Autant laisser le livre sans action et à 150 pages, seulement avec Zorba, cela aurait eu de la gueule. Il nous livrerait sa philosophie de la vie dans un seul et unique monologue, on aurait bien rigolé. Et peut-être j’aurais été plus conquis littérairement parlant, car à mon avis le problème de ce livre est tout ce qui n’est pas Zorba. Autre son ami le narrateur et son amant Mme Hortense (qui existent seulement en rapport à Zorba), aucun autre personnage a la moindre entité littéraire, et dès que Zorba n’est pas dans les parages, c’est le vide.

Bref, je trouve ce roman bien écrit mais un peu décevant. Il y a aussi que la philosophie qui véhicule sur la religion, les hommes et les femmes me semble un peu datée. La femme est assimilée à la tentation et à l’emprise sur l’homme, et même trop souvent comparée au diable, sans qu’aucun personnage soit là pour contrebalancer ces avis tranchés de Zorba. Et pourtant le narrateur lit beaucoup de livres il aurait pu dire quelque chose. Mais non. Les certitudes arrêtées de Zorba semblent s’installer comme des vérités uniques.


Citation :

« Nous restâmes silencieux auprès du brasero, tard dans la nuit. Je sentais de nouveau combien le bonheur est une chose simple et frugale : un verre de vin, une châtaigne, un misérable poêle, la rumeur de la mer. Rien d’autre. Et pour sentir que tout cela c’est du bonheur, il ne faut qu’un cœur simple et frugal. »

0 Comments

Submit a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *