Littérature des 5 continents : EspagneEurope

Cinq heures avec Mario

Miguel Delibes

(Cinco horas con Mario, 1966)
Traduction : Dominique Blanc.   . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Mario, professeur au Lycée, est mort. Pendant la veille, la veuve, Carmen, s’adresse au mort le long de 5 heures d’un monologue remplit des reproches et amertume. Derrière le discours de cette femme provinciale et bourgeoise, se dessine l’image héroïque de Mario, homme à dignité inébranlable qui a toujours combattu le franquisme.

Monologue adresse à un mari qu’elle n’a vraiment jamais connu :

On est dans ce procédé littéraire que j’appelle ‘Narrateur à côté de la plaque’. Le lecteur découvre beaucoup des choses grâce aux discours de la narratrice, mais la narratrice elle-même n’arrive pas à comprendre grand-chose. Je dois avouer que je suis un fan total de cette technique littéraire, assez subtile et pas facile à maîtriser. Un autre exemple magistral de cette technique est ‘Les vestiges du jour’ de Kazuo Ishiguro. Ici, grace aux mots de Carmen, les lecteurs connaîtront Mario beaucoup mieux qu’elle.

Les deux personnages et leurs visions du monde sont opposés. Carmen est une petite bourgeoise conservatrice, désœuvrée, frustrée et seule. Elle est plus intéressée aux choses matérielles, au paraître et à l’ambition sociale. Son soliloque est rempli de banalités et mesquinerie, mais à travers ses mots prend vie la figure de Mario, un intellectuel de provinces progressiste, journaliste engagé, cible récurrente du régime franquiste au pouvoir. Son portrait est celui d’un homme intègre, idéaliste, noble et admiré, dont la stature morale semble bien supérieure à celle de sa veuve.

La médiocrité de cette femme finit involontairement par mettre en valeur la figure de Mario, que visiblement elle n’a jamais compris.

En 1979, Delibes adapta ce texte au théâtre lui-même. L’actrice Lola Herrera joua le rôle de Carmen. Le succès colossal de cette pièce fut tel que l’actrice reprit le rôle pour des incalculables reprises, qui se poursuivent depuis plus de 40 ans, la dernière fois pour une tournée en 2020.

Lors de sa longue et prolifique carrière, Miguel Delibes, écrivain espagnol de la génération de 36, reçut un nombre incalculable de prix, qui le consolident comme un des plus importants écrivains espagnols de tous les temps. Mais pour je ne sais pas quelle raison son œuvre est très peu connue en dehors de l’Espagne, au point que beaucoup de ses romans n’ont jamais été traduits en Français. Personnellement j’aurais aimé le voir en gagnant du prix Nobel pour pouvoir le voir prendre la place que lui correspond comme un des meilleurs écrivains de la littérature universelle du XXe siècle.

Malheureusement, diverses critiques de la traduction française dénoncent un travail qui ne fait pas justice a ce qui est probablement le chef d’œuvre de Delibes, son roman plus créatif et original.


Citation :

« Maintenant vous avez la monomanie de la culture et vous remuez ciel et terre pour que les pauvres fassent des études, une autre erreur, que les pauvres une fois tu les sors de son centre, ils ne font ni raffinés ni vulgaires, vous les pervertissez, sois convaincu, de suite ils veulent jouer aux seigneurs et cela n’est pas possible, chacun doit composer dans sa classe sociale, comme on a toujours fait. »

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