(El amigo Manso, 1882)
Traduction : Pas connue. . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Máximo Manso, est un philosophe intellectuel posé et calme, dont la vie rangée est interrompue par l’apparition de son frère ainé, José, qui débarque des Indes avec une fortune et une famille très large qu’il a fondé en outremer. Manso accueillera sa belle-famille et les aidera à s’intégrer dans la ville. Cela ne manquera pas de déséquilibrer l’univers du professeur, car ses invités sont gentils mais bruyants, vulgaires et peu éduqués. José veut se lancer en politique, et voudrait faire tout le possible pour faire plus présentable sa famille. L’altruiste Manso propose encore son aide.
Le calme avant la tempête :
L’ami Manso (Manso veut dire paisible et docile en espagnol) est un homme serein qui voit sa vie basculée à son insu. C’est probable que ce personnage de l’intellectuel perturbé par le bruit de la vulgarité ait quelque chose du propre Galdós, homme timide et réservé, mais, comme Manso, très humaniste et sensible aux soucis de son entourage.
Avec ce Quichotte des temps modernes qui incarne Manso, son disciple Manolito Peña, sa protégée Irene, et l’intéressée tante Doña Cándida, complètent l’ensemble de protagonistes de ce satyre aux accents tragiques, sur l’importance de l’éducation et les conflits générés par l’altruisme placé au mauvais endroit.
Car les cours que le professeur Manso commence avec beaucoup d’entrain et dévouement, ne vont pas tarder à faire chavirer son petit monde. Malgré lui-même, Manso va s’attacher émotionnellement à ses disciples (petite amourette platonique incluse), et, du moment que l’affection et les intérêts des êtres humains entrent dans la vie de Manso, la tranquillité s’échappe à toute vitesse. Manso ne va pas tarder à se voir impliqué dans un milieu qui a toujours fui et détesté ; celui de l’arrivisme et la réussite facile à Madrid, ambiance propice à toutes les manigances.
Satyre mordante sur le phénomène des nouveaux riches, leur mauvais gout et manque de classe. L’excuse de l’intrigue permet à Galdós de faire défiler devant nos yeux, une multitude de personnages, drôles et hauts en couleurs, avec plus de failles que de vertus et qui donnent à cette fable pessimiste, un ton d’humour aigre-doux, qui l’approche de l’œuvre de Dickens. Un simple et très bon roman, idéal pour une première introduction avant d’attaquer d’œuvres plus complexes du génie espagnol.
Pérez Galdós, un génie très méconnu :
Probablement l’écrivain espagnol le plus réputé après Cervantes, le travail de ce génie du XIXe siècle est très méconnu dans l’univers Francophone, et donc très peu traduit. C’est bien dommage car il s’agit d’une œuvre gigantesque de dimensions Balzaciennes, autant par le volume que pour la qualité littéraire : ‘Fortunata et Jacinta’, ‘Miaou’, ‘Miséricorde’, ‘Doña Perfecta’, ‘Trafalgar’ sont seulement quelques romans remarquables parmi une œuvre colossal à tous les niveaux.
Dans la plupart de l’œuvre très prolifique de Pérez Galdós on retrouve une grande perspicacité psychologique qui nous permet de capter, par le biais d’un nombre incalculable de personnages, l’essence de l’humain et les inquiétudes de l’homme (et la femme) espagnol du XIXe siècle. D’un côté la classe moyenne, souvent décrite avec des airs de supériorité vis-à-vis des classes moins favorisées, mais tiraillée par une profonde angoisse de la perte de privilèges, et de la chute social et économique qui menacent toujours à l’horizon. Les classes plus populaires sont travaillés avec de la profondeur et de l’ironie, mais aussi avec tendresse et compassion. Le riche a peur de devenir pauvre, et le pauvre a peur de rester dans la pauvreté. L’utilisation des dialogues souvent vulgarisés, et des tournures de phrases très populaires, aide à comprendre ce côté « voix du peuple » qu’on a souvent associé à Galdós. Son style sobre, directe et épuré, recherchant le naturel au-dessus de tout artifice, n’est pas exempt d’un phrasée créatif et poétique et d’une richesse lexique fabuleuse.
La capacité de travail, la facilité et le talent pour l’écriture de Galdós sont évidentes quand on voit qu’il a écrit plus de 80 romans, environ 30 pièces du théâtre, des incalculables essais et publications, et a dirigé plusieurs magazines spécialisés, en plus de devenir député libéral pendant des nombreuses années. Naturaliste, costumbrista et réaliste à parts égales, Galdós connait très bien l’Espagne et connait aussi très bien la nature humaine. Son travail sur le côté misérable autant que sur le côté lumineux de l’être humain, couplé avec le réalisme de la société représentée, et l’incroyable finesse et diversité de ses personnages féminins, nous permet de situer ce géant de la littérature espagnole quelque part entre Zola et Balzac, et sans doute dans le panthéon des plus grands écrivains européens de la deuxième moitié du XIXe siècle.
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