(Der kurze Brief zum langen Abschied, 1972)
Traduction : Georges-Arthur Goldschmidt. Langue d’origine : Allemand
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Ce que raconte ce roman :
À son arrivée à New York, un écrivain autrichien reçoit un billet de sa femme Judith, avec laquelle il entretient des très mauvaises relations. Elle est aussi à New York mais lui demande expressément de ne pas la chercher. Partiellement pour éviter sa femme, l’homme accompagne son amie Claire et son enfant en voiture, dans un périple à travers des États-Unis, sauf que sa femme suit le moindre de ses mouvements à la trace. L’homme profite de ce voyage pour réfléchir à l’échec de son mariage et à ses difficultés vis-à-vis de la société.
Road trip soporifique :
Un peu comme son titre indique, ‘La courte lettre pour un long adieu’ est un court roman qui se fait très long. Notamment par le manque de profondeur psychologique du personnage principal, qui est physiquement présent dans toutes les pages du libre mais totalement absent émotionnellement du récit. L’homme semble vouloir analyser l’échec de son mariage mais ce qu’il fait est en parler en permanence de lui-même, dans une logorrhée vide et interminable à la première personne. On ne sait même pas trop s’il fuit sa femme ou il essaie de la rejoindre, mais on sent très bien que ces réponses n’intéressent pas trop à Handke.
Comme dans une certaine littérature autrichienne (Thomas Bernhard, Elfride Jelinek…) le roman est un peu prétentieux et finalement creux. Loin semble l’héritage de Stefan Zweig, écrivain génial, capable d’exprimer la moindre nuance de l’âme humaine avec autant de profondeur que de pouvoir narratif. Rien de cela ici, tout est banal et pompeux. Lors du road trip l’homme parle avec son amie Claire mais aucun des deux ne s’écoute pas, ce n’est pas un vrai dialogue, chacun expose ses phrases sans qu’il y ait aucun échange entre leurs réponses successives. C’est des monologues égocentrés qui me font penser que l’univers de l’écrivain est un peu comme cela : Asocial, autocentré et terriblement ennuyeux.
C’est complètement décousu, aucune structure ou logique ne relie vraiment le récit, autre la route qui suivent les personnages à travers les États-Unis. Il y a quand même une séquence relativement intéressante lors du séjour chez un couple aimant à St Louis. Ce couple atypique n’est pas arrivé à aucun stade de stabilité, de répétition ni de routine. Ils doivent renégocier la moindre prise de décision (qui fait le café, qui passe l’aspirateur…) à chaque fois. C’est original au moins. (Citation : « Ils se montraient aimables avec tout le monde et recevaient toujours de hôtes, dans sa volupté de se voir à nouveau déçus et de pouvoir en dépendre l’un de l’autre encore un peu plus »).
Malgré que la rupture et la mésentente dans le couple semblerait être le thème central de ce court roman, en réalité le récit est totalement centré sur les absurdes états d’âme du protagoniste principale et ses angoisses de ne pas savoir ce qu’il doit faire en société. Même si jamais mentionné dans le livre, il semble clair qu’on est en train de parler d’un personnage dans le spectre de l’autisme. Mais même sur ce sujet Handke n’arrive pas à développer une réflexion profonde et ciblée. L’écrivain protagoniste est très égocentré et il adore s’écouter parler (un reflet de Handke lui-même ?), mais pour le lecteur lambda ses jérémiades seront probablement interminables.
À éviter sans regret, prix Nobel ou pas.
Citations :
« Nos sentiments haineux étaient tellement réels que, même si au début nous essayions de les justifier, toutes ces explications nous semblaient dérisoires et dégradantes, et une moquerie de notre propre misère. »
« Je ne veux pas être examiné. Maintenant je trouve insupportable l’idée que quelqu’un me demande quoi qui se soit, et qu’il puisse faire que de ma réponse en dépende quelque chose. »
« Je suis à New York. S’il te plaît, ne me recherche pas, ce ne serait pas bien de me retrouver. »
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