Littérature des 5 continents : EuropeNorvège

La faim

Knut Hampsun*

(Sult, 1890)
Traduction : Régis Boyer.   . Langue d’origine : Norvégien
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Oslo, fin XIXe. Un jeune aspirant à écrivain, essaie de placer ses articles dans des journaux, pendant qu’il peine pour survivre dans les rues de la ville. Il doit régulièrement chercher un toit et de la nourriture. Il a faim et il a froid. Sa vie misérable est de plus en plus difficile, mais il va s’accrocher à ses projets d’écriture.

Je pleure, J’ai faim, J’ai froid :

C’est une histoire de faim mais surtout une histoire de dignité. Le protagoniste/narrateur de notre histoire est assez déroutant. Cet homme essaie de garder à tout prix sa dignité jusqu’à des extrêmes absolument incroyables, se privant plein de fois des possibles portes de sortie qui lui permettraient d’échapper à sa situation, le tout pour un orgueil mal placé.

Chaque fois qu’un peu d’argent lui tombe dessus, et qu’on pense qu’il pourra régler sa situation pendant quelque temps, il va tout faire capoter par sa fierté. Un jour qu’il obtient quelques précieuses couronnes, il va les jeter à un inconnu qui lui avait énervé, seulement pour sortir la tête haute de la situation. À chaque fois que la chance pourrait lui sourire il a des scrupules affreux qui lui empêchent de profiter de la situation. Des évènements totalement insignifiants lui font monter dans des colères noires, perdant toute possibilité d’issue positive. André Guide le dit très clairement dans l’introduction : « Tout ce qu’il prend ou qu’on lui donne, il le vomit aussitôt. »

Est-ce qu’on peut se permettre un orgueil si colossal quand on est dans une détresse pareille ? ou est-il vraiment fou ? Notre héros danse en permanence sur le fil de rasoir, devant le gouffre, happé par l’idée de tomber dedans.

Pour comprendre l’étrange psychologie du personnage principale, il faut se plonger dans l’enfance de l’écrivain. Dû à l’extrême pauvreté de ses parents, Hamsun fut placé à neuf ans chez son oncle Hans Olsen, qui le maltraitant, le frappait, l’humiliait et le laissait mourir de faim. Hamsun réussit à s’échapper à quinze ans pour ne jamais retourner. Comme déclara Hamsun lui-même plus tard, cette expérience marquera à jamais sa vie, lui laissant des blessures qui jamais guériront. Dévoré par ses angoisses et paranoïas, la vie de Hamsun fut complexe et difficile, et cela se déteint dans tous ses romans.

Dans ce roman presque sans action, narré en première personne, le style stream of consciousness, lui permet une introspection minutieuse dans la psyché du protagoniste/narrateur. Malgré tous ces aspects qui pourraient laisser penser à un roman impénétrable, c’est un livre qui se lit très facilement. Attention, si vous êtes perturbable par les romans tristes, sachez que celui-là n’est pas triste, c’est carrément noir. Dans ces pages on ne trouve que le désespoir le plus totale. Les cœurs faibles devront s’abstenir.

Certains lecteurs peuvent être refroidis par la proximité de Hamsun au régime nazi. Personnellement, je me dis toujours : Déteste l’écrivain pas le livre ! Dans tous les cas, Je voudrais seulement souligner que ce livre a été écrit en 1890, bien avant l’existence du nazisme et que l’histoire et les idées qui véhicule n’ont rien à voir avec cela. Ceci est un récit visiblement autobiographique, Hamsun ayant traversé des périodes très sombres en sa quête de devenir un écrivain.

Unique et bouleversant.


Citation :

« Petit à petit il me vint une impression singulière, l’impression d’être très loin, tout autre part, j’avais le sentiment mal défini que ce n’était pas moi qui marchais là, sur les dalles du trottoir, en courbant le dos. »

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