(La familia de León Roch, 1878)
Traduction : Pas connue. . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
León est un jeune héritier valencien qui débarque à Madrid dans la deuxième moitié du XIXe siècle. León, athée convaincu, commence à fréquenter María Egipcíaca, la fille des marquis de Tellería, famille ruinée de tradition catholique marquée. Le contraste entre l’athée et la catholique fait des étincelles et leur passion cède petit à petit la place à une incompréhension mutuelle.
Mon athée malheureux, Dieux m’ordonne de ne plus t’aimer :
Dernière œuvre du cycle des ‘Romans de thèse’, ‘La famille de León Roch’ se structure autour d’un conflit entre la religion et la raison, représenté par le dilemme du couple principal. Ce drame sentimental se déroule dans le cadre de la haute société madrilène, sous l’énorme poids de l’église, et dominée par l’hypocrisie et le paraître.
León, qui déteste ces faux semblants, ne voit pas le besoin de cacher son athéisme. Mais le problème est que sa femme s’était persuadée qu’elle arriverait à le changer. Sous l’influence fanatique de son frère Luis et du père Paoletti, Maria s’affrontera à son mari. Elle ne tolérera pas que son mari refuse de renier de son athéisme, et, quand elle réalisera qu’il ne s’accommodera jamais à la foi catholique, elle devra lui retirer son amour, « parce que Dieu le demande ».
Le retour de Pepa, une ancienne amie de León, créera un triangle amoureux qui débordera lors de plusieurs rebondissements. Le livre est donc moitié feuilleton, moitié conflit religieux. Critique à peine caché de de l’église, et de les manigances et l’hypocrisie de cet univers catholique arriéré, rigide et intolérant, ce roman est une œuvre relativement mineure de l’écrivain, mais belle et solide.
L’idée principale du livre, dans ce combat entre la sincérité et l’hypocrisie, est que la raison est démunie face au fanatisme, et qu’on est obligé de s’incliner face à la morale rétrograde de la société catholique, si on ne veut pas se compliquer la vie. Le roman exhibe donc un ton pessimiste, qui d’ailleurs va, petit à petit, teindre toute l’œuvre de maturité de Galdós.
Pérez Galdós, un génie très méconnu :
Probablement l’écrivain espagnol le plus réputé après Cervantes, le travail de ce génie du XIXe siècle est très méconnu dans l’univers Francophone, et donc très peu traduit. C’est bien dommage car il s’agit d’une œuvre gigantesque de dimensions Balzaciennes, autant par le volume que pour la qualité littéraire : ‘Fortunata et Jacinta’, ‘Miaou’, ‘Miséricorde’, ‘Doña Perfecta’, ‘Trafalgar’ sont seulement quelques romans remarquables parmi une œuvre colossal à tous les niveaux.
Dans la plupart de l’œuvre très prolifique de Pérez Galdós on retrouve une grande perspicacité psychologique qui nous permet de capter, par le biais d’un nombre incalculable de personnages, l’essence de l’humain et les inquiétudes de l’homme (et la femme) espagnol du XIXe siècle. D’un côté la classe moyenne, souvent décrite avec des airs de supériorité vis-à-vis des classes moins favorisées, mais tiraillée par une profonde angoisse de la perte de privilèges, et de la chute social et économique qui menacent toujours à l’horizon. Les classes plus populaires sont travaillés avec de la profondeur et de l’ironie, mais aussi avec tendresse et compassion. Le riche a peur de devenir pauvre, et le pauvre a peur de rester dans la pauvreté. L’utilisation des dialogues souvent vulgarisés, et des tournures de phrases très populaires, aide à comprendre ce côté « voix du peuple » qu’on a souvent associé à Galdós. Son style sobre, directe et épuré, recherchant le naturel au-dessus de tout artifice, n’est pas exempt d’un phrasée créatif et poétique et d’une richesse lexique fabuleuse.
La capacité de travail, la facilité et le talent pour l’écriture de Galdós sont évidentes quand on voit qu’il a écrit plus de 80 romans, environ 30 pièces du théâtre, des incalculables essais et publications, et a dirigé plusieurs magazines spécialisés, en plus de devenir député libéral pendant des nombreuses années. Naturaliste, costumbrista et réaliste à parts égales, Galdós connait très bien l’Espagne et connait aussi très bien la nature humaine. Son travail sur le côté misérable autant que sur le côté lumineux de l’être humain, couplé avec le réalisme de la société représentée, et l’incroyable finesse et diversité de ses personnages féminins, nous permet de situer ce géant de la littérature espagnole quelque part entre Zola et Balzac, et sans doute dans le panthéon des plus grands écrivains européens de la deuxième moitié du XIXe siècle.
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