(La casa de Bernarda Alba, 1936/1945)
Traduction : Albert Bensoussan. . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce pièce de théâtre :
Andalousie, années 30. La soixantenaire Bernarda Alba entame un deuil rigoureux à la mort de son mari, qui devrait durer huit années. Les cinq filles de Bernarda, entre 20 et 40 ans d’âge, réagissent de façon différente à ce deuil qui va les cloitrer dans la maison.
Angustias, la plus âgée (39 ans), fille laide mais seule héritière d’un premier mari de Bernarda, projette de se marier avec Pepe El Romano, l’amoureux de sa sœur la plus jeune, Adela (20 ans). Passionné et rebelle, Adela s’oppose fermement au mariage de sa sœur ainée avec l’homme qu’elle aime et s’insurge contre ce deuil imposé qui gaspille ses plus belles années.
Huis-clos féminin de grande intensité :
Écrite en 1936 peu avant sa mort, ‘La casa de Bernarda Alba’, chef d’œuvre absolu de Lorca, ne fut jamais jouée ni publiée de son vivant. La première version qui vit le jour sur les planches fut créée en 1945 à Buenos Aires, Argentine, neuf ans après la mort du poète. Cette fabuleuse pièce, entièrement interprétée par des personnages féminins, dénonce le rôle secondaire et effacé de la femme andalouse du début du XXe siècle, absolument soumise à l’homme, écrasée sous les dictats d’une société patriarcale qui lui nie toute initiative et liberté. Le seul personnage masculin de la pièce, le jeune homme Pepe El Romano, en est absent physiquement, même s’il est omniprésent dans les pensées et les dialogues de toutes les femmes de la maison.
Dans cet angoissant huis-clos chargé d’électricité, les filles de la tyrannique Bernarda ne trouvent qu’une issue possible, se marier à tout prix, chose presque impossible sans argent et sans la possibilité de sortir. Cela provoquera commérages, conspirations, jalousies, tristesses, frustrations et réactions passionnelles complexes, qui ébranleront petit à petit le délicat équilibre émotionnel de la maison. Ce deuil terrible mènera un profond mal-être aux filles de Bernarda, et menacera de faire voler en éclats la maisonnée.
Autre Bernarda (60 ans), Angustias (39 ans), et Adela (20 ans), on trouve la gentille et soumise Magdalena (30 ans), la timide et romantique Amelia (27 ans), et la tourmentée Martirio (24 ans), un des personnages le plus complexes de l’œuvre, qui portera son amertume à des extrêmes imprédictibles. Maria Josefa (80 ans), la grand-mère sénile, subira un double enfermement, condamnée à rester dans sa chambre, peut être par ses accès de folie, ou peut-être par la lucidité avec laquelle elle voit le drame qui les écrase. Le tableau se complète avec Poncia (60 ans), femme sage qui s’occupe de la maison, penchant opposée de Bernarda.
Ce magistral traité dénonciateur de la soumission féminine à l’homme est truffé de symbologie de l’oppression, comme les murs, l’absence de couleur ou le ciel de plomb. Œuvre capitale et historique du théâtre espagnol du XXe siècle, son pouvoir de fascination et l’intensité de son drame font toujours cible. Dans des jours un peu meilleurs pour la condition féminine, cette œuvre nous rappelle ce qu’il manque toujours pour conquérir dans la lutte pour l’égalité homme-femme, chez nous et ailleurs.
Citation :
« Pendant les huit ans que durera le deuil, l’air de la rue ne doit pas pénétrer dans cette maison »
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