(La plaça del Diamant, 1962)
Traduction : Bernard Lesfargues. Langue d’origine : Catalan
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Natàlia, une jeune femme qui habite au quartier de Gràcia, à Barcelone, vit une existence peu intéressante, jusqu’à qu’elle retrouve le charmant Quimet. Leur histoire d’amour va se dérouler pendant les années qui ont précédé la guerre civile espagnole. Petit à petit il y aura les enfants, puis la guerre, la fin de la guerre, les privations, la faim. Natàlia va peiner pour rester à flot.
Une vie mouvementée :
Comme assez souvent chez Rodoreda, la protagoniste est une fille plutôt banale et peu brillante. Le fabuleux talent de Rodoreda consiste à nous immerger dans la psyché de personnages du quotidien pour faire une réflexion plus profonde sur l’âme humaine et l’époque en général. Sur fond de guerre civil espagnole et début de dictature franquiste, le roman est d’un ton triste et mélancolique. N’oublions pas que Rodoreda décida de prendre le chemin de l’exile en 1939, peu avant la fin de la guerre, pour se réfugier d’abord en France puis en Suisse. Rodoreda ne rentrera en Catalogne que en 1972.
Rodoreda écrivit ‘La place du Diamant’ à Genèvre, et le livre fut publié à Barcelone dans des complexes conditions motivées par l’attitude du régime franquiste face à la culture catalane.
À travers le parcours de Natàlia c’est toute la société catalane d’avant-guerre qui est expliquée. Quand Rodoreda nous présente les misères (physiques et morales) qui s’en suivent après, on voit comment le personnage change, Natàlia ne sera plus la même. C’est à travers les yeux hagards de Natàlia qu’on va vivre ce roman, mais elle restera toujours un personnage un peu passif, timide, peu communicatif, avec une vision restreinte sur ce qui l’entoure. Mais les lecteurs, grâce à l’incroyable talent de Rodoreda, auront accès à un panorama beaucoup plus ouvert sur le personnage, son entourage et toute l’atmosphère d’après-guerre. C’est le début des années les plus sombres du franquisme. Des années que Rodoreda n’a pas pu vivre directement car elle était exilée, mais que sans doute ont été vécus très profondément malgré la distance.
Roman rempli de petit détails et symboles, avec une bonne partie narration en stream of consciousness, comme c’est l’habitude de cette autrice, est probablement un des romans catalans le plus traduits et importants de la littérature catalane contemporaine. Fabuleux roman qui peut servir d’introduction à l’œuvre de Rodoreda, avant d’attaquer ses chef-d ’œuvres ‘Rue de Camèlies’ et surtout ‘Miroir brisé’.
Citation :
« J’ai dû devenir de liège pour pouvoir tenir le coup, car si au lieu d’être de liège, et d’avoir un cœur de neige j’avais été, comme avant, de chair, qui souffre quand on la pince, je n’aurais pas pu passer par un pont si haut et si étroit et si long. »
0 Comments