(Az ajtó, 1987)
Traduction : Chantal Philipper. Langue d’origine : Hongrois
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Budapest. La narratrice, Magda, une écrivaine intellectuelle mariée aussi à un autre écrivain, retrace sa relation avec Emerence, sa domestique pendant 20 ans. Au fur et à mesure qu’on développe leur rencontre et leur relation, le portrait de l’étrange et énigmatique Emerence se dessine devant nous. L’attachement progressif et l’amitié entre ces deux femmes prend une forme particulière mais solide.
Emerence, personnage inoubliable :
« La Porte » est un roman merveilleux, réflexion sur l’humain et la bonté, d’une grande poésie et profondeur, qui brille surtout pour l’époustouflant portrait d’une femme singulière, Emerence, un personnage hors du commun, qui refuse toute définition facile. Au débout incompréhensible, puis indispensable, la vielle Emerence s’impose dans la vie de la jeune narratrice (sosie non dissimulé de la propre écrivaine Magda Szabó) d’une façon sans appel. Même si Emerence se fait détester par son orgueil, son désir de tout contrôler, et sa logique difficile à cerner, l’attachement sera imparable. L’amitié profonde qui reliera ces deux femmes ne suivra aucune des normes sociales prévues.
Ces deux personnages sont opposés, mais Magda, l’écrivaine, est sans doute plus près de nous, les lecteurs. C’est à travers de ce contraste entre ces deux femmes qu’on va dessiner le croquis de ce personnage unique, Emerence. Butée, secrète, généreuse et excessive. En revanche, Magda est une intellectuelle posée et réputée qui valorise la réflexion au-dessus de tout. La vielle Emerence est remplie de certitudes, elle ne lit jamais et méprise tout ce que n’est pas le travail manuel, toute personne qui ne fait pas un métier manuel est un parasite de la société. Emerence a un caractère implacable, elle choisit et décide tout dans sa vie, en retour elle va tout donner, mais surtout ne pas lui demander de faire des concessions, c’est tout bonnement impossible. La vielle femme décide de ses horaires, interdit l’accès dans sa maison, garde toute information sur elle et son passé dans un secret absolu, et revendique ses habitudes singulières. Son orgueil étrange, va la faire réagir des façons les plus incompréhensibles, tellement inattendues et délirantes que Magda ne réussira pas à comprendre qu’avec beaucoup de temps et recul.
Petit à petit la mystère d’Emerence va s’épaissir, et parallèlement, se résoudre. Par bribes de récit, des commentaires éparses des connaissances de la vieille femme, on apprendra son passé tragique, et on comprendra pourquoi elle est comme elle est. C’est qui est magistrale, et un tout de force littéraire peu habituel, est réussir à dévoiler toute l’information manquante sur ce personnage mystérieux sans perdre un gramme de son pouvoir de fascination. Emerence, même quand on connaîtra tous ses secrets, restera un personnage merveilleux, complètement solide et crédible, d’une humanité rare.
Dernier roman d’une des autrices hongroises plus traduites dans le monde, ‘La Porte’ est un délice qui vous aurez du mal à poser avant de l’avoir lu jusqu’à la fin.
Citation :
« Emerence était capable de m’inspirer les plus nobles sentiments comme les pires grossièretés, l’idée que je l’aimais me mettait parfois dans un état de fureur qui me prenait au dépourvu. »
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