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La régente

Leopoldo Alas Clarín

(La Regenta, 1884)
Traduction : Yvan Lissorgues.   . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Ana Ozores, épouse le Régent de Vétuste, une capitale de province aux mœurs très fermés où elle se sent observée et espionnée. Lasse de son vieux mari, et pour se placer aux dessus des mauvaises langues, Ana tombe dans l’excès religieux, une passion de l’église qui l’approche vers son confesseur, Fermin, le prête de la cathédrale. Sauf que lui va tomber fou amoureux d’elle et, face à cette passion scandaleuse, Ana va chercher une échappatoire audacieuse.

Mme Bovary à Vétusta :

La ville de Vétusta, inspiré clairement de la ville asturienne d’Oviedo, est un personnage à part entière. Comme son nom suggère, Vétusta a des mœurs arriérés, rétrogrades, peu portés sur la modernité. Vétusta espionnera, jugera, critiquera, sera impitoyable avec celui qui s’écartera du droit chemin. On donne des émotions humaines à la ville, comme on constate dès la toute première phrase du roman (Voir Citation).

Ce côté oppressant de la ville est représenté par des dizaines de personnages, superbement décrits, qui vont juger d’autres personnages qui vont à leur tour espionner d’autres personnages et ainsi de suite. Ce côté polyédrique du récit, chacun est observé par quelqu’un, donnera une grande profondeur aux personnages, comme à résultat de ces multiples analyses, de ces différentes lumières qui sont placées sur eux. Roman pionnier de l’utilisation du monologue intérieur pour exprimer la pensée ultime des personnages, ‘La Régente’ est un sommet de l’introspection psychologique.

Dès le début Vétusta va vous attraper dans ses ruelles étroites, dans ses portes mi-closes, dans ses fenêtres à peine ouvertes au loin, toujours avec quelqu’un qui espionne et qui à son tour est espionné. On trouve un nombre incalculable de personnages, dans un complexe échafaudage des passions et des croisements le long de presque mille pages, qui configurent un caléidoscope de la société espagnole et ses mœurs, et qui nous portent à la réflexion sur le rôle assigné à la femme dans l’Espagne du XIXe siècle.

La bigoterie de Ana et ses excès de passion religieuse vont contraster avec sa fuite en avant. Dès que cette image de femme idéale et pieuse va commencer à s’esquinter, Vétusta sera là, pour enfoncer le clou. Ana va devenir une de ces femmes qu’elle a toujours détestées.

Le roman exhibe un naturalisme qui l’approcherait de Balzac, Pérez Galdós et surtout de Zola. Il aura quelques points en commun avec le roman ‘La faute de l’abbé Mouret’ de Zola, dans lequel l’appel de la chair se gérait aussi par une crise mystique. Les échos de Flaubert (‘Mme Bovary’) et Tolstoï (‘Anna Karénina’) sont aussi évidents dans ce chef d’œuvre de la littérature universelle, sans doute un des plus grands romans espagnols de tous les temps.


Citation :

« La heroica ciudad dormía la siesta. » (Traduction improvisée: “La ville héroïque faisait la sieste”)

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