(Berlinerpoplene, 2004)
Traduction : Jean Renaud. . Langue d’origine : Norvégien
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Norvège, quelques jours avant Noël. Anna Neshov est gravement malade. Ses trois enfants et sa grande fille, malgré leur éloignement, vont se retrouver autour de la matriarche souffrante. Lors de ces retrouvailles impossibles dans la ferme familiale, les quatre seront confrontés autant à leur passé que à leur avenir, et devront essayer d’oublier les secrets qui les séparent.
Froid, non-dits et secrets :
Bien que, bizarrement, ‘La terre des mensonges’ commence avec une mort horrible, ce n’est pas un polar scandinave classique mais une saga familiale très axée sur l’aspect psychologique. Il y a très peu d’action, et même tous ces secrets qu’on anticipe tellement se concentrent autour d’un bon rebondissement vers la toute fin du livre, que bien sûr je ne spoilerai pas. Tout est très maitrisé et le storytelling est superbe, mais certains lecteurs auront du mal à accrocher, car le rythme est très très lent. Moi j’ai totalement adhéré à cette narration posée mais tendue où les personnages sont toujours exposés à des énormes tensions sans jamais exploser. Tout est retenu, personne ne dit ce qu’il pense, les non-dits dominent totalement la scène. On est bien dans le froid norvégien.
Le roman prend le temps de bien introduire les personnages grâce à une structure littéraire très solide. La première moitié du livre est composée de quatre longs chapitres, chacun d’eux consacré à un des quatre personnages principaux. Ces chapitres de présentation finissent toujours lorsque le personnage apprend que la matriarche du clan, la tyrannique Anna Neshov, est à l’hôpital, gravement malade. Anna Neshov sera évoquée en permanence dans le récit, et son ombre autoritaire plane sur tout le récit même si elle en sera totalement absente dans la réalité. Le roman se centre sur ses trois fils et sa petite fille et leurs rapports complexes. Plus ou moins éloignés les uns des autres, tous seront contraints de se réunir autour de la génitrice souffrante.
Margido, homme sérieux, sec et chrétien, travaille dans les pompes funèbres. C’est un personnage ingrat et peu avenant mais bien construit, qui sert de contrepoint de son frère Erlend. Seul extraverti de la fratrie, Erlend est un décorateur de vitrines qui, pour pouvoir vivre pleinement son homosexualité, s’est exilé à Copenhague où il vit heureux depuis des années, avec son compagnon Krumme. D’un naturel sarcastique et flamboyant, Erlend est sans doute le personnage le plus drôle du livre et le relief comique qui fait passer plus facilement toute la froideur de ce triste drame.
Totalement soumis à l’autorité maternelle, Tor, le troisième frère, est resté avec cette mère castratrice dans la ferme de la famille. Malgré ses aspérités, c’est un personnage très touchant. Timide et peu sociable, Tor est beaucoup plus à l’aise avec ses cochons qu’avec ses frères. Il y a longtemps il eut une copine mais sa mère s’en chargea de briser ce couple et l’éloigna de lui. De cette relation naquit Torunn, une jeune femme lumineuse et positive, qui habite loin de la famille et entretient des rapports très éparses et distants avec son père Tor. Elle ne connait pas du tout le reste de la famille Neshov, mais sera également appelée à les rejoindre autour de la grand-mère agonisante. C’est sans doute le personnage avec lequel le lecteur doit s’identifier, une espèce de fenêtre d’observation privilégiée face à cette famille dysfonctionnelle, riche en secrets et traumatismes.
‘La terre des mensonges’ (2004) est le premier volume d’une trilogie centré sur les Neshov, leur ferme et leurs secrets de famille. Ce premier opus est suivi de ‘La ferme des Neshov’ en 2005 et de ‘L’héritage impossible’ en 2007. Après un période de 10 années, Ragde reprendra cette populaire saga familiale et rajoutera trois nouveaux titres : ‘L’espoir des Neshov’ en 2016, ‘ Un amour infaillible’ en 2017, et ‘Les liens éternels’ en 2019.
Citation :
« Il regrettait ce qu’il avait dit à Torunn, mais il espérait qu’elle finirait ainsi par comprendre que ce n’était pas une famille dans laquelle on s’offrait des cadeaux de Noël, et que Neshov n’était pas un endroit où rester. »
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