(1877)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Gervaise Macquart, arrivé à Paris depuis Plassans avec son amant Lantier et ses deux enfants, Claude (Futur protagoniste de ‘L’œuvre’) et Étienne (futur protagoniste de ‘Germinal’). Cernés par la pauvreté, Lantier abandonne le ménage. C’est là que Gervaise va reprendre une blanchisserie et travailler d’arrachepied pour la faire fonctionner. Elle se remariera avec Coupeau, un couvreur qui travaille le zinc (alors de partout dans les toits de Paris) et ensemble auront un autre enfant, Anna (la future ‘Nana’). Une mauvaise chute de Coupeau au travail va engranger une spirale de déchéance dont il sera difficile de s’en sortir.
La descente aux enfers de Gervaise :
‘L’assommoir’ est le septième volume de la série Les Rougon-Macquart, dédié cette fois aux classes populaires, aux ouvriers, à la populace, et utilisant l’alcool comme à moyen d’expression de la déchéance et la misère.
On est donc dans un Zola sombre rempli de désespoir, qui aurait franchi une dernière barrière littéraire. Affranchi des obligations de plaire, sur de son coup et avec main de maître, Zola ne va plus hésiter à dépeindre l’abject, l’horrible, le truculent. Zola gardera les vertus stylistiques de son écriture raffinée, sans pour autant renoncer à l’authenticité des personnages qui le peuplent. Donc l’argot, la langue du peuple sera présente dans ce roman avec les insultes, les méchancetés de quartier, les bars de douteuse réputation, la prostitution, tout y passera. Comme d’habitude tout est justifié, mais le côté grand-guignolesque sera désormais assumé, et le phénoménal succès de ‘L’assommoir’ ne va faire que réaffirmer cette démarche réaliste/naturaliste de Zola.
L’absence de Jacques : Dans le résumé ci-haut, on voit bien les trois enfants que Gervaise a dans ce roman (2 Lantier et une Coupeau), mais nulle part on trouve Jacques Lantier (futur anti-héros de ‘La bête humaine’). Cette addition postérieure qui casse le plan et la continuité du projet est quand même très surprenante chez un écrivain incroyablement méthodique et pointilleux. Ce n’est pas grave, les romans se lisent indépendamment donc il n’y a pas de mal, mais…
Coté descriptif, tout un univers incroyablement détaillé et juste, prend vie devant nous yeux. Les blanchisseries, le travail de la forge, les toits zingués de Paris, tout est décrypté jusqu’à ses infimes détails. Le réalisme est saisissant. Mais là où ce roman va frapper fort, c’est dans le côté social : Zola nous présente deux possibilités pour ce monde ouvrier très pauvre. Aucune des deux ne mangera pas à sa faim. D’une part, les travailleurs qui avec effort et honnêteté font leur labeur et survivent; et d’autre part ceux qui, par mégarde, fainéantise ou mauvaise passe, se retrouvent dans la marge, parmi les laissés par compte.
Désormais complètement assumé, Zola n’hésite pas à nous décrire avec luxe de détails une chute monumentale, la descente aux enfers de Gervaise. À un moment donné on croit qu’on a vu assez, mais on va encore se prendre en pleine figure plus de déchéance morale, plus de bassesse et de dépravation. C’est noir, puant et sans espoir. L’alcool sera le fil rouge qui nous enchaine dans la perdition. Donc, on suivra Coupeau et puis Gervaise dans tous ces bars crasseux, ces antres immondes où tout un monde de louches personnages vont échouer, dans une spirale descendante jusqu’aux abimes du désespoir.
Magnifique fresque qui anticipe les travaux les plus sombres de l’auteur.
Citation :
« Le crépuscule avait cette sale couleur jaune des crépuscules parisiens, une couleur qui donne envie de mourir tout de suite, tellement la vie des rues semble laide. »
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