(Osudy Dobrého vojáka Švejka za první světové války, 1923)
Traduction : Henri Horessi. Langue d’origine : Tchèque
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Prague, sous l’empire austro-hongrois, 1914. La ville est prise dans la tourmente. L’archiduc François-Ferdinand vient d’être assassiné à Sarajevo, fait qui va marquer le début de la première guerre mondiale. Il faut à tout prix trouver les auteurs de la conspiration. Mais l’enquête n’est pas trop efficace et va avancer de façon improbable et absurde.
Candide de Voltaire dans la première guerre mondiale :
Satyre décapante dotée d’un humour hilarant et d’une sagacité imparable. L’absurdité d’une guerre que tout le monde considère inutile car perdue d’avance (Sauf, paradoxalement, Chvéïk) est accompagnée par une critique acerbe des institutions (Tribunaux, médecins, hiérarchie militaire, église), remplies des personnages incapables et corrompus. Ou alcoolisés, Ou fainéants. Bref, tous les défauts. Personne n’est efficace dans ce roman. On est en plein dans l’absurde et le Kafkaïen (Kafka était le maître de Hašek), mais attention, en version fun.
Personnage épatant d’une lucidité et une candeur extraordinaires, mais accompagné par une autodérision et ironie déroutantes, le Brave Chvéïk (en éditions plus récentes Švejk) est un cas. Si initialement on pourrait croire qu’il est tout simplement l’idiot du bataillon, les successives réflexions du personnage vont s’avérer profondes presque malgré lui. Avec son optimisme dans la limite de la stupidité il va quand même réussir certains paris inattendus, de façon presque aléatoire, par des ruses assez improbables. Sans le vouloir, son adoration du fait militaire qui frise l’imbécilité patriote, va nous souligner l’absurde de la guerre.
Ce personnage tient le roman tout entier, par son humour décalé, son ironie bienveillante et sa capacité à faire des prémonitions sur le conflit imminent, ce qui ne manquera pas de lui créer une réputation de folie ou idiotie, partialement justifiée.
Citation du roman : « Les yeux innocents et candides de Chvéïk ne désarmaient pas de leur douceur et de leur tendresse et reflétaient la sérénité de l’homme qui estimait que tout était pour le mieux, que rien d’extraordinaire ne s’était passé et que tout ce qui avait pu se passer était d’ailleurs pour le mieux, car il faut tout de même bien qu’il se passe quelque chose de temps en temps. »
Irrégulier et parfois un peu redondant, mais toujours intéressant, ce roman ne ressemble à aucun autre. Sauf peut-être à ‘Catch 22’ de l’américain James Heller, où on était aussi dans l’humour absurde avec des soldats qui ne veulent pas faire la guerre dans une base américaine. Peut-être Heller s’est inspiré de Hašek? En tout cas, ‘Le Brave soldat Chvéïk’ va bien au-delà, grâce à ce personnage central, véritable âme du récit. C’est drôle, étrange et unique.
J’ai toujours un bémol majeur dans les livres où il n’y a pas ou peu de personnages féminins. Ici, parmi les dizaines de personnages qui peuplent le roman il doit y avoir tout au plus 7 ou 8 femmes, à peine esquissées, souvent des épouses, des bonnes ou des objets sexuels. Nous sommes en guerre et il y a des soldats de partout, mais quand même on est tout le temps dans les rues de Prague. Il n’y avait pas des femmes ?
Les aventures du soldat Chvéïk est une série prévue en 4 volumes. L’auteur écrivit les trois premiers tomes, mais après sa mort le projet resta inachevé et c’est son ami Karel Vaněk qui finira le quatrième tome.
Au moment d’écrire ce critique (2021), le roman peut se retrouver dans le fabuleux site de la Bibliothèque russe et slave, ici.
Citations :
« Jésus-Christ aussi était innocent, répondit Chvéïk, et on l’a crucifié quand même. Depuis que le monde existe, c’est toujours et partout des innocents qu’on s’est le plus foutu. » « Et pendant ce temps, une lumière encore imperceptible se faisait dans l’Europe, une lumière montrant que le lendemain allait anéantir les plus audacieuses certitudes. »
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