Littérature des 5 continents : EuropeIrlande

Le chant du prophète

Paul Lynch

(Le chant du prophète, 2023)
Traduction : Marina Boraso. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Eilish Stark, scientifique brillante et mère de quatre enfants, mène une vie calme et paisible, lorsqu’un soir deux représentants de la police de l’état se présentent à sa porte et sollicitent son mari, Larry. Après un étrange interrogatoire sur les activités syndicales de Larry, à l’appui des nouvelles lois répressives, Larry est emprisonné. Plus le jours passent sans nouvelles de son mari, moins semble possible l’idée de le revoir, mais Eilish, contre tout et tous, s’acharne à le retrouver, refusant d’accepter l’idée que, petit à petit, la société a basculée dangereusement vers l’abîme du totalitarisme.

Perte des droits fondamentaux et montée du totalitarisme :

Pour nous embarquer dans ce récit sur la facilité avec lequel le totalitarisme peut s’imbriquer démocratiquement dans nos vies, Lynch choisi une famille irlandaise de classe moyenne, avec à la tête Eilish Stark, une femme qui croit profondément au système et qui est absolument incapable d’imaginer que la dérive démocratique qui est en train de se produire soit réel. Tandis que l’avenir se teint de sombre, Eilish garde toujours l’espoir que les institutions vont finalement remettre tout dans l’ordre. Sauf que, plus les jours passent, plus ce seront ses propres enfants ceux qui vont affronter la réalité et réagir d’une façon ou d’une autre, menant la famille jusqu’à la crise.

‘La chanson du Prophète’, met en avant autant la dérive des institutions que la naïveté bourgeoise avec laquelle on peut croire que cela ne pourrait jamais se produire dans nos démocraties occidentales. Très intelligent d’un point de vue sociologique et assez visionnaire sur la déroute de notre système politico-démocratique, le livre est un peu moins efficace côté construction de personnages. Malgré les critiques dithyrambiques qui a reçu ce roman, et le prix Booker 2023, je trouve que les personnages ne sont pas assez approfondis. On dirait qu’ils montrent leur personnalité seulement quand un évènement survient. L’intrigue est trop souvent imposée à eux au lieu d’être la conséquence de leur caractère. Partiellement donc, c’est un roman plot driven, quand on aurait aimé un roman plus character driven.

Coté style, c’est un chouia alambiqué, les dialogues sont insérés dans le paragraphe sans aucune séparation genre guillemets ou tirets. Mais pas de crainte, on se retrouve vite, et cela rajoute peut-être un élément déstabilisateur qui contribue à l’ambiance anxiogène de la narration.

Globalement c’est beau, très beau même, mais à mon sens on n’est pas au même niveau de ‘1984’ d’Orwell, ‘La servante écarlate’ d’Atwood ou ‘Le complot contre l’Amérique’ de Roth, pour citer d’autres fameuses dystopies sombres sur la chute de la démocratie. Malgré tout, la mise en garde de l’évolution social vers le totalitarisme, et le développement dramatique des enjeux de l’intrigue, et comment celle-ci impacte différemment les personnages font de ce livre une lecture émouvante et intéressante.


Citation :

« (…) combien de gens ils ont fait disparaître ? Ce que je vois maintenant, EIlish, est un trou noir qui s’ouvre devant nous, On a dépassé le stade où on aurait pu s’échapper, et même quand le régime aura été renversé le trou noir continuera à grandir et consommera ce pays pendant des décennies. »

0 Comments

Submit a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *