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Le château d’Ulloa

Emilia Pardo Bazán

(Los Pazos de Ulloa, 1886)
Traduction : Viviane Hamy.   . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Julien, un jeune prêtre fraichement sorti du séminaire, arrive au domaine d’Ulloa et il est aussitôt horrifié par la vie délurée qui mène le marquis des lieux : Sa vie désordonné est remplie des parties de chasse constantes, sans s’occuper de rien de son domaine, qui tombe en ruine. Il vie en concubinat avec la domestique, avec laquelle il a eu un enfant. Primitivo, le père de la servante, gère l’administration des affaires du château sans vraiment s’en occuper et profite pour voler en douce l’argent du marquis.

Notre prêtre, scandalisé par l’ambiance de débauche, essaie de changer la vie du marquis et lui convaincre de se rendre à Saint Jacques de Compostelle, pour chercher une femme digne dans l’entourage familier. Mais rien ne se passera pour le mieux.

Le meilleur du naturalisme espagnol :

Pardo Bazán est une des écrivaines espagnoles qui a suivi le plus à fond les thèses naturalistes de Zola. Pour nous montrer dans ce roman le pouvoir de la nature au-dessus de celui de la société, Emilia Pardo Bazán met en opposition des personnages des milieux, caractères, âges et extractions très différentes. Sa théorie est que les pulsions de la nature ne peuvent pas se corriger avec la civilisation.

Mis à part ce déterminisme qui est l’axe du débat dans le roman, les thèmes sont plutôt sociaux : les différences de classe, le contraste entre la vie rurale et la ville, et surtout le caciquismo. Après la Révolution de 1868, la reine Isabel II doit quitter le trône, les élections qui s’en suivent donnent ailes aux caciques, qui occupaient énormes sphères du pouvoir rural, car manipulaient facilement les électorats. Le livre propose une réflexion sur ce système de pouvoir politique qui était démocratique seulement en apparence.

Le marquis d’Ulloa, extraverti, fainéant et vulgaire, contraste avec le prêtre Julien, dédié, coincé et bien élève, L’un représente la vie sauvage de la nature en liberté et l’autre la vie en société, résultat de la civilisation. Le décor de la Galice rural est montré comme une terre enclavée et indomptée ou le temps s’est arrêté et la civilisation n’a pas eu assez de temps pour s’y intaller. L’atmosphère est sombre et peu accueillante. Ces paysans arriérés, vulgaires et rustres, vont contraster avec le précieux Julien est son univers civilisé.

Magnifique roman dans un style très en ligne avec Zola, notamment dans son côté naturaliste, sombre et scabreux. C’est un des plus intéressants romans espagnols du XIXe, et sans doute le meilleur de Pardo Bazán, une écrivaine qui, comme Zola, bravait les interdits littéraires et faisait face aux scandales successifs qui produisaient ses romans, et aussi sa vie privée : son divorce et ses amants, et sa longue liaison de 20 ans avec l’écrivain Perez Galdós.


Citation :

« La campagne, quand on y a été élevé et qu’on n’en sort jamais, avilit, appauvrit et abrutit. »

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