(Il deserto dei Tartari, 1940)
Traduction : Michel Arnaud. Langue d’origine : Italien
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Giovanni Drogo, un jeune lieutenant fraichement nommé, est affecté au fort Bastiani, situé à la frontière nord du pays, face au désert des tartares. Avec peu de risque d’attaque du côté du désert, l’endroit semble un peu oublié. Giovanni entamera son service avec l’idée de partir aussitôt que possible vers une destination avec plus de renommée. Mais très vite, le lieutenant sera fasciné par cet espace hors du temps, où toute la garnison semble attendre un évènement extraordinaire, mais le temps passe inlassablement et tous les jours se ressemblent.
La fuite des jours :
Roman métaphorique, où plein d’interprétations son possibles, mais qui sans doute tourne autour du passage inlassable du temps, aux opportunités perdues par l’inertie de la vie, et à la fatalité du néant qui s’approche avec l’âge, sans qu’on ne puisse rien faire pour l’en empêcher. Le thème de l’absurdité de la guerre est aussi présent dans l’arrière-plan.
Le fort, personnage à part entière, est un endroit où des routines mystérieuses se déroulent depuis des dizaines d’années. La vague menace d’une attaque depuis le pays du nord semble de moins en moins réel, et le fort semble de plus en plus désuet et inutile. Tout le monde affirme vouloir le quitter pour partir loin, mais une force irrésistible maintient l’attrait vers cette espace intemporel où seule la perspective d’une guerre, une attaque de cette frontière depuis le nord, pourrait mener un peu de gloire à des existences fades et gâchées.
Dans la forteresse, les jours se déroulent sans changement. Le moindre évènement dans la ligne de l’horizon sera source d’émoi. Friands de la moindre nouveauté, mais au même temps, habitués au confort qui donne la routine, et amadoués par la torpeur de la prévisibilité de ses journées, nos héros sillonnent leur vie lisse, fade et sans encombre, doucement mais inexorablement vers la destination finale.
La narration est assez simple, avec certaines symétries narratives intéressantes qui établissent un dialogue d’une partie du roman à un autre. Comme un des rêves de Drogo, dont certains échos se trouveront lors d’une excursion à laquelle participe le lieutenant Angustina ; ou aussi la propre arrivée de Giovanni au fort qui aura une séquence miroir plus tard dans le récit.
Souvent je suis critique avec les romans où il n’y a pas des femmes, mais justement ce livre-là me semble qu’il a des bonnes justifications, mis à part qu’on est dans une garnison dans un endroit isolé. Le côté symbolique du roman et la désexualisation absolue du contexte, sont surprenantes. Le roman ne parle pas d’hommes ou des femmes, c’est juste l’être humain face à la fuite des jours, aux opportunités qui s’échappent, et au vide monumental de l’existence.
Non, ce n’est pas un roman si perché que cela, malgré son côté métaphorique. Le roman se lit agréablement, il n’y a pas des prétentions philosophiques impénétrables, et malgré le peu d’action et intrigue, le récit absorbe et intéresse avec facilité. Ce roman semble nous faire un avertissement : Profitez de votre vie ! Faites quelque chose de votre jeunesse, réagissez, ne vous accommodez pas à la routine, n’attendez pas des chimères, sortez des sentiers battus, courez des risques ! Sinon après ce sera trop tard.
Citation :
« Jusqu’alors, il avait avancé avec l’insouciance de la première jeunesse, sur une route qui, quand on est enfant, semble infinie, où les années s’écoulent lentes et légères, si bien que nul ne s’aperçoit de leur fuite. On chemine placidement, regardant avec curiosité autour de soi, il n’y a pas vraiment besoin de se hâter, derrière vous personne ne vous presse, et personne ne vous attend, vos camarades aussi avancent sans soucis, s’arrêtant souvent pour jouer. »
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