(Mecanoscrit del segon origen, 1974)
Traduction : Marie-José Lamorlette. Langue d’origine : Catalan
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Didac, un jeune enfant noir de 9 ans est frappé et poussé dans l’eau par d’autres enfants qui n’aiment pas le couleur de sa peau. Alba, une jeune fille de 14 ans se jette à l’eau pour sauver le garçon. Pendant les quelques secondes qui tardent en ressortir à la surface, un attaque extraterrestre fulgurant décime toute la vie humaine sur la terre. Seuls survivants après le cataclysme, Alba et Didac auront d’apprendre à survivre dans un monde hostile en ruines. Très vite ils comprennent qu’ils ont le devoir de préservation de la mémoire et de la création d’un nouveau monde.
Courage et amour parmi les décombres de la civilisation :
Le livre fut, et quelque part est encore, un colossal succès de librairie auprès de plusieurs générations de jeunes adolescents catalans (dont moi), porté par le développement de ces deux personnages principaux, Alba et Didac, 14 et 9 ans au moment du cataclysme, qui apprennent petit à petit les valeurs morales, créent sa propre civilisation et découvrent l’amour et la sexualité d’une façon très naturelle. Le côté utopique et la façon désinvolte d’affronter certains tabous séduit principalement le publique jeune, et fit de ‘Mecanoscrit del segon origen’ l’un des romans le plus vendus de l’histoire de la littérature catalane.
C’est un livre simple et touchant qui peut sembler un peu naïf et désuet, mais dont la force sied dans la capacité à établir des dialogues étiques sans être nullement poussif. Effectivement, le roman interpelle plusieurs sujets surprenants pour une œuvre de ces caractéristiques, notamment dans ce pays à cette époque. En proposant une femme et un noir comme protagonistes, le livre décrypte avec aisance et facilité le sexisme et le racisme. Dans la société catalane de 1974 le racisme en concret n’était pas du tout un sujet sociétale considéré important, et peu s’en souciaient de le dénoncer. Alba est en réalité le personnage principal, la chef, en quelque sorte la femme est présentée non pas seulement comme mère d’un nouveau monde, mais comme gardienne de la mémoire et de la capacité de réflexion.
Au moment d’écrire le roman, le dictateur Francisco Franco était encore en vie et au pouvoir (il mourut en novembre 1975), et l’Espagne vivait les derniers jours d’obscurantisme d’une dictature de presque 40 ans. Le livre se lit alors facilement comme une métaphore antifasciste et souligne l’importance de garder la culture des peuples opprimés sous les dictatures. Alba (que signifie aube) et Didac (prénom qui rappelle le mot didactique) s’attachent à la conservation de livres et du patrimoine culturel. Ils s’auto-attribuent la mission de sauvegarder la culture, la langue et la civilisation humaine pour les générations futures. Évidemment, Pedrolo parle ici métaphoriquement de la culture et la langue catalanes, très malmenées et persécutées pendant le régime de Franco, et du besoin absolu de préparer la renaissance culturelle catalane après le franquisme.
Sans spoiler, la fin du livre peut étonner certains lecteurs, mais pour les adolescents qui lisent ce livre depuis quelques générations, probablement tout se tiendra merveilleusement bien dans le contexte du récit. C’est une histoire de courage et d’amour parmi les décombres, bien écrite mais sans prétentions littéraires excessives. Une œuvre solide, humaniste et sensible, en plus de très entertaining.
Citation :
« Elle angoissait par la monstrueuse certitude qu’ils étaient heureux sur une montagne de cadavres. » (“L’angoixava la certesa monstruosa que eren feliços sobre una muntanya de cadàvers”. Traduction improvisée)
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