(Het diner, 2009)
Traduction : Isabelle Rosselin. . Langue d’origine : Néerlandais
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Amsterdam. Deux couples se sont donné rendez-vous pour dîner dans un restaurant branché et selecte du centre-ville. Paul et Claire n’ont pas trop envie de trouver Serge, le frère de Paul, ni sa femme Babette. Serge Lohman est un homme qui semble avoir tout réussi dans la vie. En tête des sondages pour les élections présidentielles au Pays-Bas, sa vie de famille semble filer le parfait bonheur avec sa belle femme Babette et ses deux enfants modèle Rick et Beau, le dernier un garçon adopté d’origine africaine. Avec sa maison de vacances dans le Périgord français et ses attitudes hypocrites de parfait écolo de gauche, Serge agace son frère Paul. Après quelques banalités, la discussion ne va pas tarder à toucher le sujet clé : Leurs enfants ont commis une faute très grave.
Jusqu’au où irait-on pour nos enfants ? :
Dans ce fabuleux succès de librairie, on approche le dilemme moral de la parentalité : Jusqu’à où on sera capable de s’éloigner de nos préceptes moraux s’il s’agit de préserver le bonheur futur de nos enfants ? Évidement le livre ne donne pas de réponse claire mais plutôt propose une intense réflexion sur le sujet, en restant sur un registre plutôt cynique. Les quatre personnages principaux ont des approches bien marqués et différents sur la question, ce qui fait que leurs différentes visions sont toujours en train d’être contrastées et comparées.
Le livre suit le diner des deux couples tout en ressassant les évènements du passé qui ont marqué et façonné la situation dans laquelle ils se trouvent maintenant. Dès le début on sait qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas en rond dans ce dîner, mais Koch prend beaucoup de temps pour installer cette ambiance tendue, presque glaciale. Koch éparpille plein des pièces d’un puzzle sur la table, qui reconstruira petit à petit le long du récit. Ce n’est que bien passé le premier tiers du livre qu’on aura une vision globale de ce que leurs enfants ont fait. Je ne spoilerai pas les clés de ce récit car beaucoup de son succès est basé sur la surprise des rebondissements qui s’enchainent de façon progressive, mais les jeunes sont impliqués dans quelque chose d’abjecte qui ouvre tout le débat moral du livre. On justifie les actes de nos enfants parce qu’ils sont nos enfants ?
Beaucoup des critiques ont souligné et lamenté un parti pris plutôt amoral dans ce livre. Narré à la première personne par Paul, personnage plutôt cynique qui cache quelques singularités, le livre assume plutôt son point de vue des choses, mais je ne suis pas sûr que cela soit la vision de l’écrivain. Dans tous les cas, probablement comme moi, beaucoup de lecteurs vont trouver absolument détestables tous les personnages de ce roman. Petit à petit on découvrira ses failles et ses misères, aucun d’eux ne montrera une vraie stature morale. Et cependant, ils crient une certaine vérité. Qu’on le veuille ou pas, nos sociétés occidentales sont imprégnées de cet air égoïste et peu empathique.
Pour accompagner la déchéance morale de cette rencontre, on a mis ces quatre personnages dans un restaurant huppé et cher, entourés de petit plats de haute cuisine, maîtres d’hôtel snobs et serveurs chics. Le livre se divise en plusieurs parties qui suivent ce repas : Apéritif, Entrée, Plat, Dessert, Digestif, et puis l’épilogue Pourboire. Tout pour contraster avec la gravité des faits discutés et mettre en avant le côté absurde et théâtral de la situation.
Malgré que les thèses du livre puissent être gênantes et mettre mal à l’aise à plus d’un lecteur, il faut reconnaitre que la narration évolue avec un timing parfait, suivant une mécanique assez stupéfiante par sa précision. Aussi, les quatre personnages principaux sont très bien dessinés et marqués, et puis les faits découlent précisément de leurs différences de caractère (On est en plein dans le caracter driven plutôt que dans le plus facile plot driven). Malgré ce ton amoral et malaisante, ‘Le dîner’ est une très belle, facile et fascinante lecture.
Citations :
« L’expérience m’a appris que, face à des intelligences inférieures, le mieux est de mentir effrontément ; en mentant, on donne aux abrutis la possibilité de battre en retraite sans perdre la face. »
« ‘Est-ce que sa vie est en jeu ?’ demandaient-t-ils. D’une voix légèrement voilée, mais on pouvait y déceler facilement la soif de sensations : Quand les gens ont la possibilité d’approcher la mort d’aussi près sans danger, ils ne ratent jamais l’occasion. »
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