(El público, 1932/1979)
Traduction : Armando Llamas. . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐
Ce que raconte ce pièce de théâtre :
Enrique est le metteur en scène dans une adaptation théâtrale de ‘Romeo et Juliette’ de Shakespeare. Le public a eu une réaction homophobe, après l’apparition d’une Juliette sous les traits masculins d’un garçon adolescent, enlacée avec son amant Romeo, un homme adulte. Enrique, traumatisé par ce scandale, préfère se cacher sous un masque, niant son homosexualité et sa relation passée avec un homme nommé Gonzalo. Enrique enlèvera son masque seulement à travers divers alter-egos féminins, lors de ses errances dans le monde mi-réel, mi-onirique du subconscient.
Délire surréaliste homosexuel :
‘Le public’ est une étrange et délirante œuvre, que Lorca commença à écrire à Cuba en 1930, mais qui ne fut jamais produite ni publiée du vivant de l’auteur. L’œuvre ne fut présenté au public qu’en 1979, à San Juan de Porto Rico. C’est une pièce tellement symbolique et surréaliste, que son adaptation à la scène présente toujours des incroyables challenges et difficultés, et souvent peine à conquérir une audience peu avertie, qui peut s’attendre à quelque chose de plus solide et conventionnel de la part de l’auteur de ‘La maison de Bernarda Alba’.
La pièce exhibe une ambiguïté totale dans ce mélange entre la réalité (la façade) et la partie rêve ou hallucination (l’intimité ou le subconscient), auxquelles se rajoute la pièce dans la pièce (‘Romeo et Juliette’). Ces trois univers se mélangent indistinctement, sans aucun éclaircissement ou frontière définie. Hautement chargée en symboles (par exemple, les chevaux représentant la virilité et la puissance sexuelle, comme d’habitude chez Lorca), le thème principal de ‘Le public’ est le refoulement de l’homosexualité, représenté par ce masque qui portera Enrique et que son ex-amant Gonzalo, le seul personnage qui assume son homosexualité, ne portera pas. Gonzalo, personnage entier et sincère, s’incarnera sous la peau des personnages masculins lors de ses errances dans le monde onirique, à la différence d’Enrique, dont le refoulement semblerait le forcer à prendre des traits féminins.
Plaidoyer pour la liberté sexuelle et la décriminalisation de l’homosexualité (On est dans l’Espagne pré-Franco au moment de l’écriture), ‘Le public’ réfléchit sur la question du désir en soulignant son caractère abstrait, indépendant de la morale et des dictats de la société. Malgré le langage relevé, la richesse lexique et les fabuleuses tournures Lorquiennes, ‘El público’ est une œuvre complètement perchée à la lecture franchement déroutante. La version théâtrale que j’ai pu voir à Barcelone en 2015 ne me satisfit pas, ni me donna pas plus de pistes, mais ‘Le public’ pourrait donner lieu à une pièce de théâtre époustouflante quand même. Tout de même, je ne recommanderais pas cette lecture. L’édition espagnole de Catedra est riche en explications sur la symbologie et le contexte historique, mais pour le lecteur lambda, il y a fortes chances que cette lecture soit trop hermétique.
Citation :
« … si elle était un jeune homme déguisé, peu importe (…) il ne me reste pas du temps pour penser si elle est homme, femme ou enfant, seulement pour voir que cela me plait avec un désir rempli de joie. »
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