(1928)
Langue d’origine : Français
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Valachie, été 1906, Dans la steppe roumaine du Baragan, les chardons s’envolent par le vent de l’automne après des mois d’une sécheresse interminable, poursuivis par des enfants miséreux. Mataké, quinze ans, face à la faim et la pauvreté, sera contraint de prendre la route avec son père pour essayer de trouver un futur meilleur ailleurs. Une vie sans espoir se cerne sur les paysans, provocant le germe de la révolte.
Baragan mon amour :
Chant d’amour à sa terre natale de la part du plus français des écrivains roumains, ‘Les chardons du Baragan’ décrit, sous des couches de misère et détresse, une enfance étonnamment lumineuse. Malgré la faim et la souffrance subis à cette période dans la campagne roumaine, le récit dégage une soif de vivre remarquable, porté par cette jeunesse vécue en liberté aux gré des saisons.
Les chardons, parfois croqués, parfois trop épineux pour manger, parfois dangereux, parfois volatiles, toujours changeants, s’érigeront en symbole et métaphore de la terre indomptable de ses ancêtres. Cet endroit qui bâtira l’identité de Mataké, ainsi comme de son jeune ami, Bec-de-lièvre. L’idée de l’ancrage de l’identité dans la terre d’origine est une des sujets clé de ce aigre-doux bildungsroman, roman d’apprentissage, fascinant par sa capacité poétique, son lexique riche, et son puissant sentiment évocateur. Tout cela, en plus d’une maîtrise stupéfiante du français, notamment pour quelqu’un comme Istrati, immigré roumain qui débarque en France passé la trentaine, après un long périple à travers de l’Europe et de l’Afrique.
Le roman se déroule pendant les mois qui ont précédé la jacquerie paysanne roumaine de 1907, mouvement social et de révolte qui nait en réaction à la misère et la faim, dans le sillage de la révolution russe de 1905 et des mouvements révolutionnaires en Moldavie. La dure répression de ces insurrections de la part des cosaques russes provoqua la flambée dans tout le pays et l’explosion du conflit. Des bureaux, des gendarmeries et en général des postes de gestion et pouvoir furent incendiés, pillés ou pris d’assaut par des foules de paysans en colère.
Panaît Istrati dédié ce livre « Au peuple de Roumanie, à ses onze mille assassinés par le gouvernement, aux trois villages de Stănilești, Băilești et Hodivoia, rasés à coups de canon, crimes perpétrés en mars 1907 et restés impunis ».
Très beau roman, remplit de nostalgie, émotion et douceur.
Citation :
« Hormis l’ingrate existence de tous ceux qui naissent dans une chaumière ; hormis les privations constantes qui liment, qui modifient l’être humain et qui ne révoltent plus personne, à force d’habitude, que savions-nous de l’universel gémissement qui s’échappait des millions de poitrines paysannes, d’un bout à l’autre de la Roumanie ? Rejetons du paresseux et libre Baragan, aux abords duquel la vie se forme dans la somnolence et se perpétue dans le mirage, nous grignotons innocemment l’épi de mais que Dieu voulait bien faire pousser, et chantions en sourdine la minceur de notre mamaliga. »
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