Littérature des 5 continents : EuropePortugal

Les Maia

Eça de Queiroz

(Os Maias, 1888)
Traduction : Paul Teyssier.   . Langue d’origine : Portugais
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Lisbonne, fin du XIXe siècle. Après la disparition de ses parents suite à une séparation tumultueuse, Carlos, le jeune héritier de l’illustre famille des Maia, sera élevé par son grand-père Afonso. Le jeune devient médecin, installe son propre cabinet et avec son ami et aspirant à poète Ega, ils arpentent les rues de la capitale, et rêvent de refaire le monde. Ils empilent les conquêtes mais à chaque fois la lassitude s’installe. Puis des rencontres fortuites vont bousculer la vie des deux célibataires. Tandis que Ega tombe sous le charme de la juive et riche Raquel, Carlos éprouvera une fascination complète par Maria Eduarda, une belle jeune femme d’origine mystérieux, mariée à un riche brésilien.

Saga familiale sur le déclin de la haute société portugaise :

Œuvre réaliste ou naturaliste selon, considérée universellement comme le chef-d’œuvre d‘Eça de Queiroz, probablement le plus réputé des écrivains portugais de tous les temps, ‘Les Maia’ est un roman merveilleux qui demande cependant un peu de patience au lecteur, notamment lors du premier tier. Effectivement, la phase de présentation des enjeux terminée, le roman se centre dans l’héritier Carlos et documente la vie dissolue de l’aristocratie lisboète, lors d’une fresque foisonnante de quelques bonnes deux-cents pages. Dans ce premier tier, le roman peut être plus fatigant à suivre, car il ne présente presque pas d’action, les personnages féminins sont un peu épisodiques, et la narration se consacre presque entièrement à dessiner un tableau des mœurs détaillé de cet endroit et cette époque, toujours avec l’idée du déclin et de la fin d’une époque en arrière-plan.

Mais vers la fin du premier tier, ils commencent à apparaitre les premiers personnages féminins vraiment forts du livre, notamment la mystérieuse Maria Eduarda, femme mariée, intérêt romantique de Carlos, qui va complétement bouleverser la vie du jeune héritier. Sans spoiler, le lent rapprochement entre les deux personnages va s’étaler sur quelques-unes des plus belles pages du roman. Malgré l’allure tragique, le récit garde ce certain mordant et ton cynique, marques de style de Queiroz. C’est alors, lorsque le mélodrame prend son envol, que le roman développe tout son potentiel narratif et devient cette grande œuvre de la littérature universelle qu’il est.

Mis à part les deux personnages principaux, on retrouve quelques portraits vraiment fascinants, comme le vieil Afonso Maia, qui incarne la dignité et la solidité de l’ancien, héritier de cette dernière génération aristocratique et témoin de la décadence de sa classe. Maria Eduarda, femme victime du patriarcat de son époque, survivante et déterminée malgré tout, est un personnage ambivalent traité avec notable introspection psychologique. Le parvenu Dâmaso, figure tragicomique malgré lui, représente le manque de scrupule, le vice, la corruption et le calcul. Toutes les faiblesses de cette société décadente se donnent rendez-vous dans ce personnage détestable mais hilarant, qui sollicite sans arrêt l’attention de Carlos, pour pouvoir s’élever.

L’amitié d’Ega avec Carlos est cependant beaucoup plus profonde et solide, et brille en contraste avec celle de Dâmaso. Ega est la fenêtre à travers de laquelle le lecteur va suivre le récit. Témoin des tragédies, des fastes et des faiblesses de son époque, le regard cynique et détaché d’Ega, provoquera autant le sourire que la réflexion chez le lecteur. Dilettante aspirant à écrivain, ce personnage sympathique semble clairement être un reflet du jeune Eça de Queiroz lui-même. Même son projet inachevé ‘Mémoires d’un atome’ est inclus comme à projet littéraire d’Ega.

Sans spoiler, les rebondissements du dernier tiers du livre sont clairement prédictibles dès le départ, mais cela ne nuit en rien le charme de cette saga familiale. En dépit du drame, Queiroz ne peut pas s’empêcher d’avoir recours au vitriol et à l’humour caustique, et de montrer le côté vain et ridicule de l’âme humaine. Malgré quelques longueurs dans le premier tier, et une association un peu trop évidente entre femme et perdition, le roman est brillant, fin et intelligent. Mais oui, il est très long (Plus de 900 pages dans la version française).

Eça de Queiroz possède une œuvre fascinante parfois peu connue ailleurs Portugal. Même si ‘Les Maia’ semble universellement reconnu comme son meilleur travail, personnellement j’aime encore plus ‘Le crime du Padre Amaro’ (1975), roman qui décrivait également l’hypocrisie de la haute société, avec le même mordant et perspicacité psychologique, mais avec plus de concision et rythme. Dans tous les cas, Queiroz est un écrivain classique génial à découvrir ou redécouvrir, un colosse de dimensions Balzaciennes. Ou Zoliennes, selon on le veut plus réaliste ou plus naturaliste.


Citation :

« Tout sur terre, mon cher Dâmaso, n’est qu’apparence et tromperie ! »

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