(Marshi i kermillit, 1995)
Traduction : Christiane Montécot. Langue d’origine : Albanais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce recueil de nouvelles :
Recueil des courtes et étranges nouvelles de cet auteur kosovar né à Macédoine du Nord,
Brouillard : Un journaliste se lève le matin vers sept heures et part travailler, mais deux agents de police très violents l’arrêtent et l’accusent de se promener en plein brouillard à minuit, chose interdite selon la nouvelle réglementation. Il répond qu’il n’est pas minuit mais sept heures passées et il doit aller travailler. Rien n’y fait, les policiers n’en démordent pas. Perplexe, il rentre chez lui et il vérifie : Il n’y a pas d’erreur, toutes les horloges de la maison montrent sept heures du matin et demie passées. En plus de cette confusion dans le temps, le brouillard a entrainé d’autres changements majeurs. Il règne un étrange chaos dans la ville, et un nouveau régime semble s’installer.
Kafka à Kosovo :
Eqrem Basha écrit en Albanais et il est aussi le traducteur de beaucoup de classiques anglais et français dans sa langue. L’édition française de ‘Les ombres de la nuit’, sous la supervision de l’auteur, inclut trois différents recueils : ‘Les ombres de la nuit’, ‘Service des Songes’ et ‘Un rond-point en forme de zéro’.
Ces nouvelles ont en commun le coté obsessionnel de l’être humain et son penchant pour l’absurde. Il y a aussi un arrière-plan de réflexion sur le totalitarisme, la perte de libertés, et les conséquences de la guerre. Même s’il n’est jamais évoqué directement, le conflit serbe-kosovar transpire dans presque la totalité de ces récits. Par exemple autant ‘Brouillard’ comme ‘Les ombres de la nuit’ nous parlent d’une ville dont un évènement singulier (brouillard pour l’un, ombres pour l’autre), mène un chaos qui entraine l’avènement d’un nouvel ordre, probable métaphore de la naissance d’un régime totalitaire.
Les nouvelles ont un intérêt variable. Mis à part les deux nouvelles mentionnées, ma favorite est ‘La taupe’, un récit aux tons Kafkaïens dans lequel un homme entame un combat acharné pour trouver et éliminer la taupe qui détruit tous ses efforts pour avoir un jardin avec une pelouse propre et luisante. Dominé par l’obsession malsaine de vaincre la bête, il n’hésitera à éventrer son terrain. Le noyau de ce roman est l’idée que l’homme possède le germe qui peut engendrer sa propre destruction.
L’écriture est parfois très métaphorique et insaisissable, et d’autres fois est plus ancrée dans le quotidien. Dans l’ensemble c’est une agréable lecture, mais sans plus.
Citation :
« Le silence se fit presque pathologique dans les gens de la ville. Les ombres les tenaient e l’intérieur. (…) Dans le silence et le repli de chacun sur soi, on pouvait lire l’annonce d’une nouvelle aliénation, la création de mondes aux mentalités tout à fait divergentes, l’irruption d’intérêts partiaux et le rejet de la cause commune. »
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