(Foster, 2010)
Traduction : Jacqueline Odin. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce court roman :
Un homme conduit sa fille vers une ferme dans une contrée perdue du sud-est irlandais. La mère à nouveau enceinte, la petite fille va être confiée chez des proches sans enfants, les Kinsella, pendant un temps indéterminé, pour alléger la charge de la très nombreuse famille. Sauf que la jeune fille et narratrice n’a aucune information sur ce qui se passe, et angoisse à la perspective de se trouver en terrain inconnu, d’autant que son père la laisse dans cette ferme isolée sans même lui dire au revoir.
Petit à petit la jeune narratrice commence à s’épanouir dans ce foyer provisoire où elle se trouve entourée de l’amour de cette famille de substitution. Par la première fois elle se trouve aimée et écoutée, pas traitée comme une enfant, et commence à faire la comparaison entre l’attachement sans ambages chez les Kinsella et l’indifférence et froideur chez sa propre famille.
Famille d’accueil et de cœur :
‘Foster’, le titre original de ce court mais fabuleux roman, fait référence au fait d’accueillir un enfant temporairement dans une famille qui n’est pas la sienne. Mais le sujet est clairement celui de l’identité et l’amour au sein de la famille en général. Le ton est très suggéré, sans dramatismes et nulle part poussif, dans un style sophistiqué et discret qui me fait penser à celui de la canadienne Alice Munro. Ce court récit est rempli de petits détails délicats qui dévoilent toutes les subtilités qui se cachent dans la narration, et dans la construction des personnages. Un lecteur peu averti ou distrait pourrait facilement se trouver dérouté par le manque d’une ligne d’action claire, alors que les détails qui permettent de comprendre ce qui se passe sont devant nous yeux.
Si vous adhérez aux subtilités du style Keegan, ‘Foster’ est un roman d’apprentissage très puissant, qui nous ouvre une fenêtre à l’âme d’un enfant qui découvre l’harmonie et l’amour dans une famille étrangère, malgré que le passé de cette famille ait été marqué par le drame. En rétrospection, la sècheresse de ses rapports chez sa vraie famille, marqués par un père froid et distant qu’on suspecte alcoolique, resteront fades à côté du simple et inconditionnel amour qu’elle reçoit chez sa famille d’accueil.
Grâce à la narration à la première personne, le lecteur découvrira tout à travers les yeux de la jeune fille (qu’on imagine peut-être de huit années d’âge). Ce procédé permet de vivre ses émotions en directe, et rester en permanence plus dans la suggestion que dans l’explication, car la jeune narratrice n’arrive pas à comprendre exactement ce qui se passe au tour d’elle, alors que le lecteur pourra tout déceler à travers ses mots.
‘Foster’ et ‘Ce genre de petites choses’ (2021), montrent à quel point Keegan maîtrise les subtilités du court récit. Autrice irlandaise totalement à suivre, par ce style sobre et discret mais au même temps fort et pénétrant.
Citation :
« (…) je me rends compte qu’elle est juste comme n’importe qui d’autre, et je souhaite être à la maison pour que toutes les choses que je ne comprends pas puissent être les mêmes que d’habitude. »
0 Comments