(Normal people, 2018)
Traduction : Stéphane Roques. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Le livre raconte la relation d’amour/amitié entre Marianne Sheridan et Connell Waldron pendant quatre ans, dès ses dernières années au Lycée jusqu’à leurs études universitaires. D’extraction social et caractère visiblement très différents, le couple ne peux pas s’empêcher d’éprouver une profonde attirance l’un vers l’autre, presque malgré eux.
Comment passer de l’amour à l’amitié, de l’amitié à l’amour, et cela jusqu’à quand :
Ce magnifique livre eut un succès de ventes fabuleux mais n’est peut-être pas pour tout le monde. D’abord parce qu’il est centré presque exclusivement sur deux personnages, ce qui se passe entre eux, et ce que se passe dans leur tête. Le lecteur ne se reconnaîtra pas forcement dans aucun des deux personnages, qui sont un peu particuliers, le titre ‘Normal people’ étant bien sur ironique. Le monde adulte (ou plus âgé) en est presque absent. Cependant, bien rentré dans la cinquantaine, et même si je ne peux m’identifier ni avec Marianne ni avec Connell, je n’ai pas eu du mal à reconnaitre des émotions et du angst (cette angoisse classique de la post adolescence) dans mon propre vécu. Mais c’est aussi tout à fait possible que le livre rate sa cible, selon le lecteur.
Le style est plutôt subtil, peu d’action, il ne se passe pas grand-chose, la plupart arrive dans la tête des personnages. Rooney nous offre un récit rempli de sensibilité, mais plutôt pudique et qui évite complétement les explosions sentimentales et tout ce qui puisse s’associer de près ou de loin au mièvre. Les dialogues, souvent simples détails du quotidien de Marianne et Connell, sont riches en sous-texte, des idées plus profondes que le roman s’attache à suggérer en permanence. Leurs mésententes, problèmes de communication, petites joies et déceptions nous mènent vers leur âge adulte, dans un voyage émotionnel simple mais intense.
Au début de l’histoire, Connell, issue d’un milieu humble, est un excellent étudiant, sportif, qui est adoré dans le lycée, et il a plein d’amis qu’il s’attache à ne pas décevoir. D’un autre côté Marianne provient d’une famille riche, est aussi extrêmement intelligente mais solitaire, et socialement très inadaptée, plutôt victime des moqueries des autres lycéens, sur lesquels elle pose un regard désabusé. Lorraine, la mère de Connell, femme aimante et positive, travaille comme femme de ménage dans la maison de Marianne, où elle habite avec sa mère et son frère, avec lesquelles la jeune femme ne s’entend pas du tout.
Mais la différence principale entre Connell et Marianne est que Connell se fait énormément de soucis par ce que les autres pensent de lui, tandis que Marianne s’en moque complétement. L’obsession de Connell pour s’intégrer en société et garder une sorte de prestige parmi son entourage, contraste avec le détachement de Marianne et son coté zéro effort dans ses rapports sociaux. Tous les deux sont personnes appart mais gèrent son étrangeté de façon très différente. Marianne est totalement consciente qu’elle n’appartient pas au ‘normal people’, tandis que Connell est dans la négation. Dans leur complexe relation, Connell devra apprendre à s’obséder moins du regard des autres, et Marianne devra faire un pas vers la société extérieure.
Marianne et Connell s’aiment presque dès le départ, mais le contexte social, leurs hésitations, mésententes et problèmes de communication, et leur différente façon d’approcher la ‘normalité’, vont les faire passer de l’amour à l’amitié et vice-versa, une fois et une autre. L’arrivée à l’université entrainera des nouveaux basculements dans la vie de nos héros, et petit à petit ils vont réaliser que malgré qu’ils ne puissent pas vivre l’un sans l’autre, vivre ensemble n’est pas toujours la meilleure option. Le livre est donc une histoire d’amour mais aussi une histoire d’amitié.
Tous les classiques du bildungsroman (roman d’apprentissage) sont présents : La perte des repères et certitudes, la chute des illusions, la peur de rentrer dans le monde adulte, et l’angoisse d’un futur incertain. Le livre parlera facilement aux jeunes adolescents en quête d’eux-mêmes, mais trouvera facilement un publique plus élargi parmi les amants de la narration un peu plus suggérée et de la littérature plus subtile.
Avec la collaboration de Sally Rooney au scénario, le roman fut adapté en 2020 dans une magnifique série de télévision irlandaise de douze épisodes, protagonisée par deux jeunes comédiens époustouflants : Daisy Edgar-Jones et Paul Mescal.
Citation :
« Marianne avait l’impression que sa vraie vie se déroulait quelque part ailleurs, très loin d’ici, qu’elle se déroulait en son absence, elle ignorait si elle réussirait un jour à savoir comment la trouver et y prendre part. »
0 Comments