(Is-slottet, 1963)
Traduction : Jean-Baptiste Coursaud. . Langue d’origine : Norvégien (Nynorsk)
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
C’est la fin de l’automne dans une contrée isolée de Scandinavie. Les grandes neiges ne sont pas encore arrivées mais la glace est partout. Unn, une nouvelle élève, arrive à l’école du village. Elle a déménagé dans la région car, ayant perdu récemment sa maman, habite maintenant chez sa tante. Siss, fille populaire et lider charismatique d’un groupe d’écolières, s’intéresse beaucoup à la nouvelle arrivée. Les deux filles s’observent et éprouvent une attraction magnétique, mais hésitent à s’approcher. Leur première rencontre hors de l’école se produit chez Unn, mais les deux filles, toujours timides, sont un peu gênées par leur fascination mutuelle. Le lendemain Unn disparait aux abords du palais de glace, une structure géante que l’eau glacée a formé à la base d’une cascade, dans un lac près du village.
Légende symbolique scandinave :
‘Le palais de glace’ est un court roman relativement facile à lire, mais qui pourrait dérouter le lecteur par un composant presque onirique qui transpire le long de la narration. Effectivement, le récit de cette soudaine et flagrante amitié entre deux filles de huit ans, et la soudaine irruption du palais de glace dans leur quotidien, conforme une narration étrange et fascinante, mais très peu ancrée dans la logique du réel.
Comme dans la plupart de l’œuvre de Vesaas, le poids symbolique du roman est considérable, sans forcément nous fournir des détails qui permettraient de saisir le sens ultime de l’œuvre. L’arrivée d’Unn dans le palais de glace, la froide et luxuriante nature, l’impact des saisons, le désarroi de Siss après la disparition d’Unn, et surtout l’omniprésent et imposant palais de glace, sont autant d’éléments fascinants du récit mais qui apportent plus d’interrogations que de réponses. C’est évidemment symbolique, mais pas sûr que tout puisse être interprété d’une certaine et unique façon. Le palais de glace pourrait incarner l’idée de la fin de l’enfance, mais aussi le sujet du deuil après la disparition d’un être aimé, l’approche de ces thèmes n’est pas concrète. Le récit s’incline plus sur le terrain de la suggestion, et montre un ensemble énigmatique que le lecteur doit prendre probablement tel quel, sans attendre trop d‘explications.
Le palais de glace, bâti à la fin de l’automne par l’eau glacée d’une cascade, est une structure étrange, monumental, mystérieuse. Cette somptueuse cathédrale glacée deviendra un personnage à part entière, et les plus belles pages du livre lui sont dédiés. Le langage devient poétique lors que la narration s’approche de ce colosse silencieux, dont la présence immuable, même si vouée à la disparition au printemps, domine totalement les vies de nos protagonistes.
Malgré ce côté cryptique et irréel, le roman n’est pas si perché que cela. On peut le voir plutôt comme une revisitation d’un compte classique d’Hans Christian Andersen, style ‘La reine de neiges’, qui présentait déjà une amitié passionnée marquée par la froideur d’un palais de glace. Il existe deux traductions de ‘Le palais de glace’, j’ai lu la toute dernière de Jean-Baptiste Coursaud, mais sans lire le norvégien c’est difficile de savoir combien de la fascination présente dans le roman est passée à la trappe au moment de la traduction, mais je suspecte que la tâche n’a pas été facile. Roman étrange et unique, mais quand même très beau et prenant.
Citation :
« D’ici, les murs de glace lui apparaissaient aussi hauts que le ciel ; ils grandissaient à mesure qu’elle réfléchissait. Unn flottait dans un état d’ivresse. L’endroit fourmillait de pavillons et chapiteaux, tant et tant que lui était impossible de les dénombrer. L’eau avait contraint l’édifice à se dilater dans toutes les directions, tandis qu’au centre, la cascade se précipitait en chute libre, en se ménageant un espace rien qu’à elle. »
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