(Non ora, non qui, 1989)
Traduction : Danièle Valin. Langue d’origine : Italien
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
À partir d’une photo, le narrateur remémore son enfance et la figure de sa mère. Au sein d’une famille ruinée par la guerre qui habite un des quartiers plus pauvres de Naples, le garçon grandit heureux, malgré son bégaiement, son physique frêle, et sa différence dont il est tout à fait conscient. La chance s’améliore et la famille pourra récupérer son statut bourgeois et déménager dans un meilleur quartier, mais ce changement ne sied pas au jeune garçon, qui perd tous ses repères.
Décryptage d’une relation mère-fils à travers la mémoire :
Écrit à la première personne, avec des très fréquentes tirades à la deuxième personne lors qu’il s’adresse à sa mère, ‘Pas ici, pas maintenant’ est un récit ultra nostalgique de l’enfance napolitaine de l’écrivain ; une lettre d’amour de l’auteur à sa mère, qui inclut quand même quelques reproches, dissimulés sous le vernis évocateur de la remembrance du passé.
Le garçon narrateur, clairement l’auteur lui-même, est un enfant timide et différent, qui voit le monde comme à travers une vitre, toujours à l’extérieur de l’univers des autres. Sa mère est dépeinte indirectement, filtrée à travers de la voile de mystère et fascination qui sépare l’univers adulte quand il est regardé depuis l’enfance. Mais finalement elle sera décryptée par le narrateur lorsqu’à son tour, il arrive à l’âge adulte. À travers ce double regard enfant/adulte du narrateur, il se dessine le portrait énigmatique d’une femme insaisissable, toujours soucieuse de garder sa dignité de classe. Mais aussi tout simplement une mère aimante, qui compose comme elle peut avec le deuil de la mort du père, et puis avec la situation et la crise économique qui a secoué cette famille jadis aisée.
C’est un court mais extraordinairement lyrique roman écrit avec une écriture dense et très relevée, au lexique travaillé, remplie de langage figuratif, notamment la personnification des objets, des métaphores et des expressions poétiques d’une qualité exceptionnelle. C’est évident, De Luca est autant romancier que poète, le livre est incroyablement beau, même si à niveau développement narratif c’est quand même un peu décousu, et manque de structure par moments. ‘Non ora, non qui’ fut le premier roman publié par son auteur, avec déjà toutes les caractéristiques de son extraordinaire talent et style.
Citations :
« À ce moment-là, j’ai dû comprendre pour la première fois que le mal est irrémédiable et qu’il est impossible de réparer un tort quoi que l’on fasse ensuite. Le seul remède est de ne pas en commettre, et ne pas en commettre est en ce monde l’œuvre la plus ardue et secrète. »
« Les mères sont susceptibles, elles ne permettent pas que ses enfants prennent trop de libertés avec le passé. Je l’évoque avec exactitude maintenant, peut-être pas avec vérité. Beaucoup de détails ne composent pas un souvenir, beaucoup de souvenirs ne forment pas un passé. » (Traduction improvisées)
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