Littérature des 5 continents : EuropeIslande

Rosa Candida

Auður Ava Ólafsdóttir

(Afleggjarinn, 2007)
Traduction : Catherine Eyjólfsson. Langue d’origine : Islandais
⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Arnljótur, jeune homme de 22 ans, prend un travail comme jardinier dans un monastère du continent européen qui a la réputation d’avoir la plus belle roseraie du monde. Il laissera en Islande les souvenirs de sa mère morte dans un accident de voiture, son vieux père octogénaire, son frère jumeaux autiste, et la fille qu’il a eu presque par accident avec la jeune étudiante Anna, lors d’un brief moment de passion. Il mène avec lui trois boutures d’une rose assez étrange et unique, cultivé pour sa mère, avec l’intention de la faire raciner dans son nouvel environnement.

Parcours initiatique d’un Candide islandais :

Attention : La plupart de critiques sur ce roman, et même dans le quatrième de couverture, dévoilent partiellement la fin du roman. Va savoir pourquoi on aurait intérêt de spoiler. Je dis toujours : Si tu considères que tu t’en fous de l’intrigue, alors à quoi bon l’expliquer ? J’avoue ne pas comprendre. Donc, sans spoilers :

Récit en première personne, qui nous livre complètement la pensée d’Arnljótur, un jeune assez timide et candide, qui cherchera plusieurs moyens de faire le deuil de la mort de sa mère, à laquelle il était particulièrement uni. Ils partageaient la passion pour le jardinage et les roses en particulier. La Rosa Candida, espèce rare que la mère a réussi à cultiver, est un symbole assez flagrant du garçon, déjà par son nom, qui évoque la candeur du personnage principal ; par le manque d’épines, qui nous renvoie au caractère gentil et inoffensif d’Arnljótur ; et aussi parce qu’il faut que la rose prenne racines dans sa nouvelle ambiance, tout comme notre ami.

Il y a pas mal d’analyse psychologique de la part du narrateur, ce qui me fait penser un peu à Murakami, maître de l’autopsie des sentiments. Mais tout est clairement à la sauce nordique. Les personnages sont tous introvertis, tristes et calmes, aucun excès, pas d’explosions sentimentales, ils parlent peu, sans jamais se dévoiler profondément, l’incommunication est partout. Voir la citation ci-dessous comme exemple.

Malgré ce ton mélancolique et morne, et la présence assez fréquente de références à la mort, le ton est d’un positivisme incroyable et doux. Tous les personnages qu’on croise auront un regard bienveillant sur notre héros : Le moine cinéphile qui lui fait de coach à coup de film d’auteur, le boucher qui lui sert de guide dans la voie de la cuisine, la fille qui mène en autostop et qui l’aide à s’adapter à son nouveau pays, la voisine qui l’attend dans le palier pour lui témoigner toujours le bien qu’il a apporté à sa vie, etc… Tout le monde est gentil et accueillant.

Notre protagoniste aura traversé le continent pour s’installer dans un monastère perdu (On n’a pas de repères du pays dans lequel on est, mais je penche pour la Suède ou peut-être la France, pays dans lequel Ólafsdóttir a habitée), mais l’isolement sera de courte durée : Les appels de son père, le souvenir de sa mère et un appel étrange d’Anna, la mère de sa fille vont bousculer la vie du jeune candide.

Les thèmes sont divers : La mort, l’initiation à l’amour, l’exil, l’enracinement. Mais je pense que le sujet principal du livre, même si on ne parle pas vraiment autant que cela, et qu’il reste caché dans une deuxième couche, c’est le deuil.

Très beau livre, rempli autant des bons sentiments comme de froideur intimiste nordique, cela se lit avec une facilité désarmante. Quelques moments peu structurés (Une petite partie road trip pas super justifiée, la cinéphilie du moine qui est drôle mais qui ne rime pas à grand-chose dans le roman, quelques escapades à teneur catholique, une histoire romantique un peu convenue…) ne nuisent pas un roman autrement très solide et intéressant, quelque peu pudique et lisse, mais rempli d’émotion et élégance.


Citation :

« Ça me remue un peu de parler à papa et ça réveille toutes sortes de sentiments. Il faut toujours tenir compte de l’éventualité d’un autre sens derrière tout ce qu’il dit : ce qu’il veut exprimer peut être enfoui à plusieurs strates au-dessous de la surface. »

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