Littérature des 5 continents : EspagneEurope

Terres maudites

Vicente Blasco Ibáñez

(La barraca, 1898)
Traduction : Georges Hérelle.   . Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Valence, fin du XIXe siècle. Les terres où jadis habitait le vieux Barret semblent maudites, abandonnées depuis dix ans, suite à la révolte de Barret contre les propriétaires, personne n’a osé s’y installer de peur de froisser les autres paysans en s’associant au propriétaire. L’honnête Batiste, marre d’une vie de pauvreté, décide de les reprendre en faisant profile bas, pour cultiver et essayer de se frayer un avenir moins sombre pour lui et sa famille. Après un dur labeur de défrichage et préparation les terres se préparent à donner en abondance et finir avec la vie de misère de Batiste et ses enfants, sauf que le village n’est pas prêt à oublier et ne pardonne pas à Batiste de prendre ses terres qui, selon l’opinion populaire, ne lui appartiennent pas. Avec une réputation de traitre collé au dos, lui, sa femme et ses enfants vont être régulièrement victimes de la haine des paysan liderés par le fier Pimento.

Tragédie rurale :

Magnifique roman qui, par ses descriptions de la vie rurale et son ton naturaliste sensible et solide, préfigure l’œuvre postérieure de Blasco Ibáñez, notamment son chef d’œuvre ‘Boue et Roseaux’. L’écrivain souligne le côté primitif de l’univers campagnard d’une façon qui l’approcherait de ‘La terre’ de Zola, roman publié une dizaine des années auparavant, et qui traitait l’impitoyable univers des haines rurales avec noirceur, cruauté et réalisme.

Car ‘Terres maudites’ est un roman sombre, presque sans espoir. Au-delà de quelques portraits costumbristas, le roman s’attache vite aux misères des paysans et leur dur quotidien. Des êtres colériques, dont leur manque de culture et instruction empêche tout raisonnement qui pourrait leur sauver d‘une vie abrutissante. Dans ce sens, le maître d’école exerce un peu de voix intérieure du propre écrivain, en se lamentant du manque d’éducation scolaire des paysans, qui fait d’eux créatures basiques sans aucun intérêt pour la réflexion.

Comme dans ‘Boue et Rosseaux’, l’histoire débouche peu à peu dans une tragédie aux accents truculents, annonçant le courant littéraire du tremendismo, popularisé beaucoup d’années plus tard par Camilo José Cela ou Miguel Delibes. Dénonciation de la haine ancestrale de l’être humain lors qu’il est soumis à des abus des propriétaires rurales impitoyables, ‘Terres maudites’ est un magnifique roman dont le seul défaut est d’être beaucoup trop court (à peine 200 pages). Un roman de ces caractéristiques aurait peut-être mérité plus de développement dramatique et multiplication des enjeux dans le village et la famille centrale.

Triste, noir et dur mais poignant et fabuleusement bien écrit.


Citation :

« Le pain ! Le gagner demande tellement d’efforts ! Et qu’est-ce qu’il tourne méchants les hommes ! »

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