Littérature des 5 continents : EuropePologne

Trans-Atlantique

Witold Gombrowicz

(Trans-Atlantyk, 1953)
Traduction : Geneviève Serreau.   . Langue d’origine : Polonais
⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

1939. Tandis que la Pologne est envahie par les troupes allemandes, Witold Gombrowicz débarque à Buenos Aires. Très vite, l’écrivain trouve une petite communauté d’expatriés polonais en Argentine, qui, loin du bruit de la deuxième guerre mondiale qui rage en Europe, essaie de mener une vie insouciante et hédoniste. Lors d’une réception, Gombrowicz rencontre Gonzalo, un ‘puto’ qui assume sa quête en permanence de relations homosexuelles. Gonzalo est fortement attiré par Ignace, un jeune expatrié polonais. Mais le père d’Ignace, Tomasz, est un membre respectable de la communauté et il s’oppose fermement à ce style de fréquentations. À son insu, Gombrowicz se verra impliqué dans cette querelle qui oppose le très flamboyant Gonzalo et le très sérieux Tomasz.

Dilemme morale sous fond de répression sexuelle :

Dans ce roman à fortes doses autobiographiques, Gombrowicz raconte l’époque de son exile en Argentine, dix années auparavant. Le début semble un récit factuel assez vraisemblable de l’arrivée de Gombrowicz à Buenos Aires au moment de l’invasion polonaise, et la sensation de déracinement de son pays natal à ce moment clé de l’histoire. Mais très vite, les digressions s’enchainent, et on entre dans un univers assez extravagant, rempli de personnages hauts en couleur et de plus en plus délirant.

La rencontre avec le richissime et désœuvré Gonzalo entraine Gombrowicz dans un univers hédoniste et sulfureux. Même si l’écrivain semble réticent, petit à petit on sent qu’une fascination et une attirance imparables s’emparent de lui. Dans le conflit qui oppose Gonzalo, sa ‘proie’ Ignace, et le père d’Ignace, Tomasz, Gombrowicz sera tiraillé en permanence entre deux univers : Un univers de jeunesse, folie et perversion incarné par Gonzalo, et un autre univers de maturité, sérieux et retenue, incarné par Tomasz. Le premier l’attire, tandis que le deuxième le retient.

Le vrai Witold Gombrowicz (pas le personnage Gombrowicz de l’histoire) écrivit explicitement sur son homosexualité dans un cahier intime, qui fut publié par sa veuve en 2016, plus de quarante ans après la mort de l’écrivain, sous le titre ‘Kronos’. Les tendances homosexuelles de Gombrowicz ne font pas de secret si on connait un peu son œuvre, et dans ‘Trans-Atlantique’ il y a quelques séquences ou la pulsion homosexuelle est clairement montrée. Malgré lui-même, le personnage Gombrowicz tombera dans le piège de cet imbroglio de passion entre jeunes hommes.

Je n’en suis pas sûr que j’ai saisi le sens de cette œuvre. D’un côté le titre ‘Trans-atlantique’ nous renvoie à l’idée des expatriés polonais qui regardent la guerre avec scepticisme depuis la distance et l’exile. Gombrowicz a une vision très lucide du patriotisme et ses exaltations ridicules. Puis, facilement on peut voir que Gombrowicz a représenté sur papier une collection de tous ses phantasmes, et que ce dilemme entre Gonzalo et Tomasz ce n’est qu’une métaphore entre la jeunesse et la vieillesse, entre le nouveau et l’ancien, entre folie et retenue, entre débauche et morale. Je dirais que le sujet central de cette histoire est la répression sexuelle et la nature abstraite du désir, mais tout cela reste très interprétable.

En plus de ce côté insaisissable, le style est irrégulier, très relevé et baroque, avec pas mal d’éléments de langage assez recherchés, comme la répétition d’un nom ou d’un verbe pour former des phrases d’une musicalité particulière (voir citation). À la lumière de ce texte complexe, je salue le travail de la traductrice qui me semble loin d’être évident. Le roman est assez postmoderniste, mais il peut se suivre avec une facilité relative.

Malgré ses valeurs littéraires, son côté autobiographique, et le délire progressive de son déroulement, je n’ai pas été complétement transcendé par ce texte étrange et unique.


Citation :

« Craignant donc qu’à cause de ces miens merdeux, qui me tenaient par un merdeux, je ne fasse figure de merdeux aux yeux de tous ces autres merdeux, et brûlant de désir de couler ce grand merdeux, je hurlai : ‘Merde, Merde, Merde !’ »

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