(Gift, 1971)
Traduction : Raymond Albeck. Langue d’origine : Danois
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman autobiographique :
Troisième partie des mémoires de l’écrivaine danoise Tove Ditlevsen, consacrée aux débuts de sa carrière d’écrivaine, à l’échec de ses mariages successifs et à ses problèmes dérivés de l’addiction aux calmants.
Fille différente, mariages malheureux :
Les deux premiers volumes des mémoires de Tove Ditlevsen, ‘Enfance’ (‘Barndom’) et ‘Jeunesse’ (‘Ungdom’), furent édités ensemble en français sous le titre ‘Printemps précoce’. Ces deux volumes, écrits en 1967 retracent l’amère existence de la jeune Tove, dès son enfance à ses premières expériences professionnelles. Le troisième volume, ‘Dépendance’ (‘Gift’) fut publié quatre années plus tard, en 1971, et il raconte la frustration de Tove lors de ses trois premiers mariages. Il fut traduit en français sous l’absurde titre de ‘Cherche mari’. Après une existence difficile marquée par la dépression et les addictions, Ditlevsen se suicida en 1976.
C’est à environ 50 ans, que Ditlevsen rédige ces mémoires, trois volumes qui composent probablement son travail le plus acclamé. Après des traductions récentes de la trilogie de Copenhague en plusieurs langues, notamment en anglais, l’œuvre de l’écrivaine danoise s’est offert, à juste titre, une nouvelle jeunesse. Le troisième volume, probablement le plus personnel et attachant, retrace toute sa vie affective et les frustrations qui s’en découlent de ses mariages successifs. En parallèle, le décollage de la carrière de Ditlevsen, déjà un personnage connu au Danemark, lui procurera probablement certains moments d’apaisement. Comme dans les premiers volumes, Tove retrouve seulement la sérénité que quand elle est face à la machine à écrire et tout est fluide.
C’est un ouvrage encore plus difficile que les deux volumes précédents, par son contenu très dur et déprimant (une bonne partie du livre est consacrée aux effets dévastateurs de l’addiction aux calmants de l’écrivaine), mais qui est totalement brillant par la capacité à décrire des évènements dramatiques et personnelles avec une lucidité remarquable, toujours sous une optique originale et absolument créative.
Le style de Ditlevsen est relevé et littéraire mais facilement accessible. ‘La trilogie de Copenhague’ a quelques points en commun avec les mémoires de la néozélandaise Janet Frame, qui les publia aussi en trois volumes compilés sous le titre générique de ‘Un ange à ma table’, qui aussi avait une existence difficile par la propre conscience d’être différent, et qui utilisait aussi l’écriture de poèmes comme à seul moyen d’échapper à une réalité difficile. Mais les similitudes s’arrêtent là. Tandis que l’œuvre de Frame est centrée totalement sur elle-même, le travail de Tove est un prodige de perspicacité et d’observation des personnes de son entourage. Ce roman autobiographique est caractérisé par une remarquable introspection psychologique, et aussi, par un sens très pointu de l’analyse sociologique.
Traduit en français par ‘Dépendance’, Le titre originale ‘Gift’ (mot danois qui signifie autant ‘mariée’ que ‘poison’) résume à la perfection les enjeux de ce troisième volume qui clôt d’une façon magistrale cette œuvre unique.
Citation :
« Pourquoi as-tu tellement envie d’être normal ? – demanda Ebbe-. C’est évident que tu ne l’es pas. » (Traduction improvisée)
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