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Vingt-quatre heures de la vie d’une femme

Stefan Zweig

(Vierundzwanzig Stunden aus dem Leben einer Frau, 1927)
Traduction : Alzir Hella et Olivier Bournac. Langue d’origine : Allemand
⭐⭐⭐⭐

Ce que raconte ce court roman :

Monte-Carlo 1904. C’est le scandale dans une pension bourgeoise du centre-ville. Mme Henriette, une respectable dame, vient de s’enfouir avec un jeune homme connu à peine un jour avant, abandonnant mari et enfants. Tandis que tout le monde s’indigne et est pressé pour jeter l’opprobre sur la femme, le narrateur seul essaie de comprendre les raisons derrière ce geste et refuse de la juger. Mrs. C, une vieille dame de l’aristocratie anglaise, impressionné par l’attitude réfléchie et tolérante du narrateur décide de lui confier un bref épisode de sa propre vie, où elle aussi fut secouée pour une passion que la société considérait amorale. La vieille dame distinguée commence alors le récit de ces vingt-quatre heures qui bouleversèrent son destin et marquèrent sa vie à tout jamais.

Passion exacerbée et destructrice :

‘Vingt-quatre heures de la vie d’une femme’ suit la structure classique des courts romans de Zweig avec la mise en abime d’un récit dans le récit. Le narrateur nous explique le scandale provoque par Mme Henriette dans la pension, puis le récit change de narrateur quand Mrs C. commence à expliquer à la première personne ces vingt-quatre heures de passion folle qu’elle vécut plus de vingt ans auparavant. La plupart de novellas de Zweig suivent ce procédé de commencer la narration par une introduction qui déclenche une nouvelle narration.

La vieille dame Mrs C., notre nouvelle narratrice, remémore un jour de sa vie dont le souvenir reste toujours brûlant, lors qu’elle avait quarante-deux ans. Désœuvrée par son veuvage et ses enfants déjà grandis, elle fréquentait la société du casino de la Côte-d’Azur, lorsqu’un jour elle fit connaissance d’un jeune homme en proie au désespoir le plus total, qui perdait tout son argent à la roulette. Dans un élan caritatif, la dame se donne par mission d’aider le jeune homme, son cadet de vingt ans, à sortir de cette mauvaise passe.

Zweig prend soin de dépeindre un contraste saisissant entre les deux personnages : Mis à part le gros écart d’âge qui les sépare, elle est froide, réservé et distingué, tandis que lui est spontanée, émotionnel et troublé. La vieille dame lit dans les mains et le visage du jeune homme comme s’il était un livre ouvert. Zweig s’appuie sur cette lisibilité facile des émotions du jeune homme pour créer l’élément déclencheur d’une flamme incontrôlable, destructrice chez la dame. À côté du sujet principal du livre, l’impossibilité de résister l’appel fulgurant de la passion, Zweig présente aussi une étude de mœurs sur l’hypocrisie de la société, trop encline à juger négativement les femmes par leur moindre faute morale.

C’est une œuvre émouvante, très épurée, d’une extrême simplicité, Avec seulement deux personnages (trois si on compte le premier narrateur, l’homme tolérant qui écoute le récit de Mrs C.), l’intrigue se déroule avec une mécanique imparable, ajoutant toutes les quelques pages un nouvel rebondissement ou un nouvel calque dans la progression de Mrs C. vers l’extrême de cette passion dévorante qui va la mener, en à peine vingt-quatre heures, jusqu’à ses dernières conséquences.


Citation :

« Autant que je la connaisse, elle ne me paraît qu’une femme faible et ordinaire, pour qui j’ai un peu de respect parce qu’elle a courageusement suivi sa volonté, mais pour qui j’ai encore plus de compassion parce qu’à coup sûr, demain, si ce n’est pas déjà aujourd’hui, elle sera profondément malheureuse. »

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