(Voss, 1957)
Traduction : Eola Tranec. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Sidney, 1845. Dans la nouvelle colonie anglaise, l’explorateur allemand Johann Ulrich Voss, prépare une expédition dans l’intérieur inconnu de l’Australie, à la découverte de nouveaux territoires. L’expédition est financée par un riche bourgeois, M Bonner. Lorsque Voss se présente chez Bonner pour discuter les préparatifs, il trouvera sa nièce, Laura Trevelyan. La rencontre entre ces deux personnalités orgueilleuses et hors-norme, les marquera profondément. Un fois Voss sera parti à la conquête du bush australien, le lien qui unit ces deux êtres se dévoilera encore plus important que prévu.
Qui a dit que les relations à distance ne marchent jamais ? :
J’ai aimé, mais j’aurais aimé aimer encore plus ce roman, car sa qualité littéraire est stupéfiante, c’est juste qu’il stagne un peu par moments. Je m’explique : Il est merveilleusement écrit, le sujet est super intéressant, l’ambiance et le décor sont très vivants. Les deux personnages principaux sont fascinants, et le lien qui les unit est émouvant. La prose est élégante, et le style est relevé et très littéraire. Il n’y a vraiment rien qui coince. Chaque phrase de dialogue est ponctuée d’une remarque littéraire ou d’une micro action secondaire qui rajoute du sens. Ce continuel commentaire littéraire est vraiment beau, il y a des très belles phrases et réflexions. Mais sans doute ce côté littéraire ralenti un peu un récit, que parfois on aurait aimé un peu plus dynamique. J’ai été quand même conquis malgré un rythme un peu morose, et vers le dénouement j’ai même trouvé cela magnifique.
Le travail psychologique dans ce roman est remarquable. Voss, est un personnage complexe, parfois arrogant, parfois cynique. L’allemand est un étranger dans tous les sens du terme, doté d’un caractère messianique marqué, souvent comparé au Christ, Dieu, et même, par opposition, au diable. Par moments on l’imagine parmi ses apôtres, il y a même une scène dans laquelle il humblement lave les souillures d’un membre malade de l’expédition. L’auréole religieuse du personnage est omniprésente.
Laura est une jeune fille difficile, incomprise, un peu hautaine et aussi très différente des personnes qui l’entourent. D’abord méprisante, elle sera petit à petit conquise par le caractère étrange et insaisissable de Voss, sans se l’avouer. Voss verra en elle, à son tour, une femme unique et égale à lui. Cependant, malgré l’évidente attirance, l’incommunication entre ces deux orgueilleux semble s’installer, comme dans un ‘Orgueil et préjugés’ à l’Australienne. Bref, ils adorent se détester cordialement.
Rien dans leurs courts entretiens, entourés du monde lors des soirées mondaines, préfigure l’intensité du lien qui les unira. Ce lien invisible sera vivant même après le départ (assez tardif) de l’expédition. Après les quelques lettres qui s’enverront, les souvenirs épars des moments ensemble deviendront des images gravées dans la mémoire, et les sensations deviendront des visions. Le couple va s’établir dans la distance. Ce lien métaphysique est peut-être la partie la plus fascinante de ce roman.
Des chapitres avec Laura chez sa famille dans la colonie anglaise qui passe sa vie mondaine à attendre Voss, seront alternées avec les étapes de l’expédition qui avance dans un monde inconnu et étrange. La multiplicité de points de vue, donne un caractère dual très contrasté à la narration. Laura à Sidney est habitée par l’absence de Voss, et Voss dans le bush, est à son tour obnubilé par la présence de Laura.
Le reste de personnages est aussi très intéressant, notamment la collection de types à la marge que Voss a rassemblée pour l’accompagner dans le voyage. Les caractères sont très marqués et très différents, 5 blancs de la colonie, dont un ex-prisonnier, seront accompagnés de 2 noirs recrutés dans le dernier village avant le bush. Le groupe, très hétérogène, inclut deux jeunes hommes. Petit à petit, après les premières déceptions, inconforts et petits accidents, les premières tensions apparaissent et on comprendra vite que cette expédition aux confins du monde connu, est en réalité un parcours initiatique, un voyage à l’intérieur de soi-même.
‘Voss’ est vraiment un grand roman plein de qualités, notamment le travail psychologique, et par moments il est même génial, avec des phrases d’une beauté saisissante. Le seul vrai hic est son rythme un peu morose. Puis il manque ce ‘je ne sais quoi’ qu’on se doit de trouver dans les romans qui nous aimons. Mais sans doute je lirai plus des livres de cet écrivain car son talent m’a paru splendide.
White est le seul Australien (et seul Océanien aussi) récipiendaire du Prix Nobel. En 1973, l’Académie suédoise expliquait le choix par « son art de la narration psychologique et épique qui a fait entrer un nouveau continent dans le monde de la littérature ».
Citation :
« Ce fut un période de grand bonheur pour Laura Trevelyan, son seul bonheur connu, il parait. Bien sûr, de l’autre côté de ses paupières, il y avait des centaines de possibilités prêtes à l’attaquer. Si elle ouvrait les yeux. Mais elle ne le fit pas. »
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