(The rehearsal, 2008)
Traduction : Erika Abrams. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Le professeur de musique du lycée est viré à la suite d’un scandale sexuel impliquant une de ses élèves, Victoria. L’affaire crée un émoi dans la communauté, des étudiants de lycée, mais aussi de l’école d’Art dramatique et élèves d’une professeure de Saxo privé, ainsi comme les enseignants de ces trois établissements vont être confrontés aux conséquences de cet affaire.
Le sur-analyse tue l’analyse :
Eleanor Catton avait 23 ans quand elle a écrit ce livre. Cela va de soi, elle a un talent fou. Elle a gagné le prestigieux Prix Booker en 2013 pour son deuxième roman ‘Les Luminaires’. À la lecture de ‘The rehearsal’ son talent se révèle évident, la construction est complexe mais les enjeux sont maitrisés.
À mon sens, sa façon d’écrire se semble énormément à celle de l’écrivain américain Philip Roth : Très peu d’action, qui est analysée de tous les points de vue, avant, pendant et après se produire. Chaque action minimale établit un ensemble de réactions, des pensées et des réflexions des personnes impliqués dans ladite action. Dans ‘La répétition’, les personnages vont se préparer pour l’action, réfléchir à ce qui disent les autres par rapport à l’action, et puis regretter ce qu’on a fait ou dit et analyser les conséquences et ce qui les autres ont fait ou dit. C’est la marque de la bonne littérature : L’intrigue est secondaire, au bénéfice de l’introspection psychologique et de la profondeur du sujet.
Alors, c’est quoi qui cloche dans ce roman ?
N’avez-vous jamais été fatigués par une personne qui est en train d’analyser tout ce qu’on dit ? Si on a mal à la tête ça veut dire quelque chose, si on regarde au sol une autre, si on souffle, etc… Personnellement, j’ai toujours eu du mal avec cela. Et c’est exactement ce qui fait ce roman. C’est la suranalyse permanente. Chaque pensé d’un personnage est décortiqué par un autre, dont les actions sont à leur tour décryptés par un autre et ainsi de suite. Ne me prenez mal, j’adore l’analyse et l’introspection psychologique, j’aime Philip Roth et Murakami, deux maîtres de l’autopsie permanente des sentiments. Mais ici on est clairement dans la suranalyse. C’est vraiment fatiguant par moments.
Avec tout, le roman reste intéressant et originale : La préparation de la pièce de théâtre que les élèves d’Art dramatique sont en train de monter, et qui traite du scandale sexuel du lycée, crée des moments très intéressants, avec un mélange entre la réalité et la fiction, et la relation entre celui qui on est, et celui qu’on aimerait montrer aux autres qu’on est. La professeure de Saxo, qui va recevoir les confidences de plusieurs des filles protagonistes de l’histoire, va mélanger ses propres ressentis et son analyse, et va être un autre atout pour le roman.
La structure est un peu chaotique et parfois difficile à suivre, Ce côté polyédrique du récit (chaque personnage a un avis sur les autres personnages) permet de construire un roman à tiroirs assez originale. Les deux lignes dramatiques principales convergeront petit à petit. Le théâtre et la réalité se confondent, souvent efficacement mais pas toujours : Parfois les personnages restent indéfinis car entre le réel et la fiction on ne sait plus où se situe le personnage. Les thèmes sont bien approfondis : Principalement l’adolescence, avec tout ce qui va avec (Egos, jalousie, timidité, rivalité…), mais aussi la relation entre l’image réel, l’image projetée et celle souhaitée.
Bref, un peu trop d’introspection psychologique à mon gout et trop d’analyse pour finalement peu d’intrigue. Il reste peu d’espace au lecteur pour prendre place et fournir sa propre analyse, incorporer quelque chose dans le récit, tellement tout est suranalysé.
Écrivaine à suivre, malgré un résultat mitigé dans son premier roman.
Citation :
« – Vous voulez toutes être traumatisées, éclate soudain la prof de saxophone. Toutes. S’il y a bien une chose, une seule, que toutes mes élèves ont en commun, c’est ça. C’est le thème que vous déclinez, toutes, des variations : le désir suprême d’être victime. Vous y voyez le seul moyen pratique de prendre l’avantage sur vos copines, et vous n’avez pas tort. Si j’abusais de toi, Julia, je te rendrais un service formidable. Je te donnerai carte blanche pour une orgie d’auto-détestation et d’apitoiement sur toi-même où aucune des tes camarades ne pourrait espérer rivaliser. »
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