(The fortunes of Richard Mahony I : Australia Felix, 1917)
Traduction : Pas connue. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Ballarat, Australie, années 50 du siècle XIXe. Richard Mahony, médecin irlandais, a émigré en Australie au moment de la ruée vers l’or, mais préférant un métier plus calme il a installé un magasin qui souvient aux besoins des chercheurs d’or. Peu doué pour le commerce, la boutique de Mahony peine à lui procurer les ressources pour vivre convenablement. Leur vie sombrant dans la précarité, sa femme Mary insiste pour qu’il reprenne son métier de médecin. Mahony finit pour fermer le magasin et s’installer en tant que docteur. Petit à petit son cabinet médical réussit, mais ses décisions irrationnelles vont toujours compliquer la vie du couple.
Histoire d’un émigrant borné et inadapté et de sa femme patiente et courageuse :
‘The fortunes of Richard Mahony’ est un classique incontournable de la littérature australienne, qui, à ma connaissance, n’a jamais été traduit en français. La trilogie, composée des romans ‘Australia Felix’ (1917), ‘The Way Home’ (1925) et ‘Ultima Thule’ (1929), fut écrite par Ethel Florence Lindesay Richardson, sous son nom de plume Henry Handel Richardson. Elle suit l’épopée et les vicissitudes d’un émigré en Australie et sa femme pendant la rouée vers l’or. Le récit est inspiré vaguement des vies des parents de l’écrivaine. Dans le premier volume, ‘Australia Felix’, notre protagoniste va essayer plusieurs métiers avant de revenir à la médecine. Une bonne partie du roman sera dédiée à son romance avec Mary, appelée Polly au début de notre histoire. Malgré que petit à petit Richard Mahony, avec le support inconditionnel de sa femme, réussit à se frayer un chemin, son dédain pour la mondanité de la colonie lui provoque une insatisfaction permanente qui le hante et risque de mettre en péril la stabilité de leur position.
La narration très dynamique et feuilletonesque et le cadre particulier de la petite société de cette colonie en plein essor, font de ce livre une lecture très facile et agréable. La petite histoire du couple s’imbrique avec une fresque fascinante qui retrace la construction de tout un pays. Un grand roman à l’ancienne, sans trop de prétentions ni de la brillance littéraire, peut-être un peu désuet, mais totalement solide et bien écrit en toute simplicité. Mis à part ses qualités narratives, ce qui fait la renommée de l’œuvre est sans doute le caractère particulier de son protagoniste principale et le contraste avec celui de sa femme. Richard Mahony est un homme droit et honnête, un très bon médecin, un homme bien en somme, mais qui ne trouvera jamais sa place.
Hanté par son pessimisme récalcitrant, par son analyse négative des personnes de son entourage, et par le sentiment que le vrai bonheur l’attend ailleurs, les décisions de Richard seront erratiques et improvisées. Ses étranges lubies vont éroder progressivement le courage de sa femme, soutien et pilier de sa vie. Même si ce n’est jamais expressément mentionné dans le livre, Richard Mahony est sans doute atteint d’une condition psychologique indéterminée, quelque part entre la dépression et le spectre de l’autisme. Même à un moment du livre le singulier docteur essaie de s’auto-diagnostiquer pour essayer de trouver une sortie à son mal-être.
Tout cela est décrit d’une façon progressive, avec beaucoup de perspicacité et finesse. Également, le long du roman sa femme Mary passe de la dévotion totale à son mari à une vision plus réaliste et modérée. Son côté rationnel va toujours la mener à affronter les projets de Mahony mais toujours depuis la compréhension et l’empathie. Mary est aussi positive que Richard est pessimiste. Malgré ce contraste et leurs flagrantes différences, l’amour du couple semble capable d’affronter toutes les épreuves. Sans spoiler, la dernière partie du livre est sans doute la plus intéressante à tous les niveaux et enrichit autant les enjeux de l’intrigue que la complexité psychologique des deux personnages principaux.
Avec le recul c’est peut-être un livre un peu plus féministe qu’on aurait pu croire au début du livre, avec cette femme dans la limite de la soumission et ce mari aimant mais peu sensible et borné. Mais l’évolution de Mary en est pour beaucoup dans ce petit changement. Quand même nous sommes loin de l’idéal d’indépendance féminine présenté par Miles Franklin, autrice de ‘Ma brillante carrière’ (1901), une autre écrivaine australienne très connue à la même époque, qui aussi écrivit avec pseudonyme masculin.
Citation :
« (…) ses pouvoirs de divination étaient l’exacte opposé de ceux de Polly. Il trouvait toujours plus facilement le coté faible ou ridicule des gens, et devait creuser laborieusement pour arriver à trouver les vertus. Tandis que sa jeune épouse, pour une sorte de génie, voyait le bien à première vue- et rien d’autre. » (Traduction improvisée)
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