Littérature des 5 continents : AsieInde

La maison et le monde

Rabindranath Tagore*

(ঘরে বাইরে Ghôre Baire, 1916)
Traduction : Frédéric Roger-Cornaz. Langue d’origine : Bengali
⭐⭐

Ce que raconte ce roman :

Bengale, début XX siècle. Nikhil, riche propriétaire au valeurs modernes, mène un jour à la maison son ami Sandip, chef des files du mouvement Swadeshi, qui prône le combat contre l’impérialisme britannique, à l’aube du mouvement par l’indépendance de l’Inde. Bimala, la femme de Nikhil, jusqu’alors femme au foyer idéal, va tomber sur le charme de cet opportuniste séducteur.

Triangle amoureux sur fond de mouvement indépendantiste :

La maison et le monde’ se centre sur trois personnages principaux qui, à tour de rôle, prennent la narration à la première personne. Bimala sera tiraillée entre la dévotion à son mari Nikhil et la fascination qu’elle sent per son amant Sandip. Cette hésitation reprend le dilemme qui traversait l’Inde, et Tagore lui-même, à cette époque. Chaque personnage encarnera donc une position dans ce conflit. Tandis que Nikhil représente une position rationnelle, posée et modérée, basé sur la la non-violence, Sandip incarne un mouvement passionnel, irréfléchi et improvisé. Au milieu des deux pôles, Bimala préfigure la femme moderne Indienne, hésitante au début, mais finalement libre, intelligente, et capable de prendre ses propres décisions. C’est la fin de la femme au foyer soumise.

Tagore propose un renversement de ce qui est attendu à chaque personnage. Nikhil, en tant que riche propriétaire devrait être un tyran ambitieux, et cependant il est toujours à l’écoute des autres. Il respecte même le dilemme de sa femme et il est prêt à lui laisser prendre ses propres décisions. Sandip n’est pas le révolutionnaire incorruptible qu’il semble à première vue. Sous son aspect séducteur des masses, et des femmes, Sandip n’est qu’un opportuniste qui pense exclusivement à lui. C’est probablement cela qui pêche dans ce roman, Tagore présente un dilemme qui est déjà résolu d’avance, en prenant clairement partie par les thèses de Nikhil et ridiculisant les positions de Sandip à travers de l’ambiguïté moral du personnage.

C’est intéressant de connaitre un peu le contexte qui accompagna l’écriture de ce roman : Au début du XXe siècle, l’Inde fut traversée par toute une série mouvements plus ou moins violents, qui visaient à en finir avec l’administration coloniale britannique du pays. Swadeshi, est né en 1905 comme à réaction à une première loi qui encadrait la séparation géographique de musulmans et hindous en Bengale, jugée arbitraire et injuste. Le mouvement affronta les autorités, boycottant les produits britanniques et favorisant tout ce qui pourrait promouvoir une vraie identité Indienne. Sauf que probablement ce rejet de tout ce qui était britannique ne fut pensé à long terme, ni organisé comme une solution de futur, et du coup les inégalités et la pauvreté s’accrurent.

La structure du roman, le passage des narrateurs à tour de rôle, et la métaphore du dilemme Indienne étaient des piliers qui laissaient présager un roman beaucoup plus abouti et intelligent. Mais le schématisme de ses thèmes, un certain ton désuet, couplé avec des quelques redondances et longueurs peuvent faire de ce roman une petite déception pour le lecteur. C’est quand même superbement écrit, comme à l’habitude du prix Nobel Indien.


Citation :

« (…) l’occupation essentielle de l’homme est justement d’entasser les matériaux extérieurs à lui-même. Les maîtres de cet art sont ceux qui font le plus de boniments pour leurs drogues mensongères, inscrivent de leurs larges plumes des chiffres faux dans leurs grands livres politiques, lancent des journaux quotidiennement farcis de fausses nouvelles, et envoient aux quatre coins des cieux des prêcheurs chargés de disséminer le mensonge, comme des mouches qui portent au loin des germes pestilentiels. »

0 Comments

Submit a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *