(Homegoing, 2016)
Traduction : Anne Damour. Langue d’origine : Anglais
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman :
Ghana, Siècle XVIII. Maama est une esclave Ashanti qui, suite à un incendie, va abandonner son bébé juste né, Effia. Quelques années plus tard Maama donnera naissance à une autre fille, Esi. Effia mariera de force un homme blanc trafiquant de esclaves, qui la mènera vivre au fort de Cape Coast. Effia ne croisera jamais sa demi-sœur Esi, qui sera capturée et emprisonnée dans les cachots au sous-sol du même fort, avant d’être vendue comme esclave et envoyée en bateau vers l’Amérique. L’histoire de ces deux demi-sœurs qui ne se connaissent pas va se prolonger le long de 300 ans et deux continents, lorsqu’on suit l’histoire des descendants des deux branches de la famille.
Les deux sœurs :
Homegoing (je refuse d’utiliser l’absurde titre français : ‘No home’) est un merveilleux et inoubliable roman. Un livre fort. Première livre de la jeune Yaa Gyasi et partiellement inspiré de la vie de ses ancêtres, il suit l’histoire de 7 générations qui suivent les lignées des deux filles de Maame. D’un chapitre à un autre, on change de branche de famille et de continent, et puis on passe à la génération suivante, dans un fascinant voyage sur 3 siècles d’histoire. On retrace le parcours de toute une civilisation du peuple africain ; L’esclavagisme, les guerres tribales, la ségrégation et le racisme sont quelques-uns des thèmes du roman, mais le vrai sujet me semble celui de la famille. Yaa Gyasi s’attache à réfléchir sur les liens et l’héritage, et le rôle qu’ils jouent dans le développement des individus.
Ce qui est fantastique dans Homegoing c’est que, suite à sa structure, on retrouve une quatorzaine de courtes histoires magnifiques, que fonctionneraient de façon indépendante. C’est un peu triste car on s’attache très vite aux personnages et on craint que dans la prochaine histoire, peut-être qu’ils ne seront plus là. En effet, à chaque saut de génération on ne sait pas si on va retrouver nos personnages plus âgés. Mais, en tout cas il y a toujours un écho de la génération précédente qui t’explique l’évolution des personnages que tu as connus et aimés.
Chaque histoire est centrée sur un personnage, un descendant d’Effia (dont les histoires se situent principalement au Ghana) ou d’Esi (dont les histoires se déroulent principalement aux Etats-Unis). Les personnages sont incroyablement touchants, vivants, bien décrits et réfléchis. Pour un roman de ces caractéristiques, on pourrait facilement dire que c’est irrégulier, qu’il y a des histoires que sont meilleurs que d’autres etc… Mais rien de tout ça. Toutes les histoires, et j’insiste, TOUTES, sont magnifiques. Le livre se tient merveilleusement bien tout le long, sans que l’intérêt ne tombe jamais. J’ai un petit penchant pour les histoires de « H », qui devient un homme libre, seulement pour trouver un esclavage moderne avec son travail dans la mine, sous conditions déplorables ; et aussi la tragique histoire d’Akua et ses rêves et prémonitions teintes de feu et de tragédie.
Le ton du livre est dramatique, beaucoup d’évènements sont terribles, il y a beaucoup de séquelles, blessures et traumatismes qui se transmettent de génération en génération. Beaucoup des personnages hantés, beaucoup des deuils à faire. Mais Yaa Gyasi réussi à nous filtrer des notes d’espoir grâce à l’humanité de ses personnages et ses liens de famille, qui, remplis de vertus et des défauts, d’ombres et de lumières, essayent toujours d’aller de l’avant.
Une fabuleuse réussite, écrivaine à suivre.
Citation :
« Ce n’est pas parce que certaines personnes voient, entendent ou sentent quelque chose que celles qui ne le peuvent pas doivent les traiter de folles. Ma grand-mère disait : “Un aveugle ne nous traite pas de fous parce que nous voyons. »
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