(La isla de los hombres solos, 1963)
Traduction : Pas connue. Langue d’origine : Espagnol
⭐⭐⭐⭐⭐
Ce que raconte ce roman semi-autobiographique :
Après un malheureux accident, le jeune paysan Jacinto est accusé à tort d’avoir tué sa femme et sa fille. Abasourdi par la perte de sa famille, il cède aux tortures de la police et confesse ce crime qu’il n’a pas commis. Avec une sentence de prison à perpétuité, Jacinto est envoyé à la prison-île de San Lucas. Dans cet endroit inhumain, le jeune homme vivra une existence terrible et misérable, enchainé en permanence, presque sans nourriture, sans aucune hygiène, soumis à des milliers de punitions, maltraitances et vexations épouvantables. Dans cet espace hors de temps, au fur et à mesure que l’idée d’une fuite ou d’une libération s’éteint, le cœur des hommes devient noir et toute ombre d’humanité disparait.
École d’haine :
Ce roman à très fort composant autobiographique fut écrit lors du séjour de son auteur en prison. Comme le protagoniste de son récit, León Sánchez fut accusé à tort d’un crime (un vol sacrilège des bijoux appartenant à l’église), et passa la plupart de sa vie en prison. Né en 1929, condamné à perpétuité en 1949, l’écrivain ne sortit de sa prison qu’en 1988. León Sánchez fut le premier prisonnier à gagner un concours national de littérature par un de ses poèmes, et publia ‘La isla de los hombres solos’ en 1963. Traité de pire façon qu’un chien, León Sánchez décrit cette expérience affreuse avec lucidité, soulignant tous les détails d’un quotidien atroce. La solitude et souffrance de la vie dans la prison, la cruauté, et la disparition progressive de l’humanité sont les thèmes qui structurent ce témoignage incroyablement vrai.
Le récit est extraordinairement simple, sans aucune fioriture ni intention littéraire. C’est la transcription du quotidien de toute une vie en prison, rien de plus rien de moins. Souvent ces romans de genre témoignage autobiographique n’ont pas vraiment de mérite littéraire autre le contenu lui-même, et ils ont une tendance à décevoir par l’absence de suggestion, parti pris ou d’astuce littéraires. Mais ‘La isla de los hombres solos’ est une magnifique surprise, principalement par le rythme soutenu de son récit et sa structure parfaitement ficelée. Tout ce quotidien pénitentiaire est sagement divisé dans un ensemble de courts chapitres qui s’enchainent de façon vertigineuse, laissant au lecteur juste quelques moments de répit pour respirer, avant de le plonger à nouveau dans la plus sombre des aventures. L’immersion du lecteur dans cette prison est totale.
Dans ce quotidien de misère physique et morale, la solitude devient la reine. La fuite ou la mort semblent être les seules échappatoires. Incapables de tisser des vrais liens d’amitié, l’homosexualité s’installe d’une façon glauque et marchandée (décrite comme perversion par León Sánchez, attention woke alert), devenant l’unique relation possible entre les hommes, pour remplacer ce quotidien sans femmes et sans âme, et cette vie sans issue.
León Sánchez s’attache à transmettre un message terrible : L’homme, privé de sa liberté, développe des idées noires qui empêcheront sa propre réinsertion. Cet isolement terrible fait naître le pire de l’être humain. Critique donc sans appel de cette institution pénitentiaire corrompue, qui échoue misérablement comme à outil réformateur de l’homme. En lui enlevant toute sa dignité, l’être humain ne peut devenir autre chose qu’un animal.
Récit vrai et terrifiant, mais baigné malgré tout dans une lumière d’espoir qui vient de la lucidité et humanisme du point de vue de son narrateur.
Citations :
« On dirait que dans une prison où tout le monde souffre existerait une fraternité parmi les hommes. Mais rien de cela. (…) Le code d’honneur des condamnés enferme haine, méfiance, doute et rancœur pour tout ce qui existe en société. On comprend déjà que dans un tel système, il est impossible de faire rien de bon. J’ai toujours cru que la douleur a une tendance à mettre de la distance entre les hommes peu importe où ils se trouvent, et j’en suis fermement convaincu. » « Même si la nuit de la peur finit toujours pour passer, une longue et profonde empreinte s’installe progressivement dans l’âme. »
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